Page 11 - BRO_Adrien Proust
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Portrait d’Adrien Proust
          par Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouÿ







                  Le portrait d’Adrien par Jean-Jules-   de Médecine et l’empreinte d’un sceau.
                  Antoine Lecomte du Nouÿ, dédicacé    Un sablier s’écoule à droite. La plume
                  à son modèle et daté de 1885, est    est comme suspendue, les yeux se lèvent
                  un parfait exemple de la grande peinture  pour regarder le spectateur. Le visage
                  académique de la seconde moitié    du quinquagénaire est frais, même si des
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                  du XIX  siècle. Lecomte du Nouÿ (1842-  poils blancs commencent à envahir barbe
                  1923), élève de Signol, Gleyre et Gérôme,  et cheveux. On est quelque peu surpris
                  second grand prix de Rome en 1865,    par les traits archaïsants de ce portrait
                  a fait carrière entre portraits, scènes    au faire lisse dont les accessoires sont
                  antiques et souvenirs de voyage    signifiants : plume d’oie et non porte-
                  en Orient. Il s’est risqué à la peinture   plume ou stylo-plume, papier à la cuve,
                  religieuse, dans la chapelle Saint-Vincent-  sablier énigmatique : dit-il le temps long
                  de-Paul à la Trinité de Paris et dans   avant cette élection universitaire
                  plusieurs églises roumaines. Il fut aussi   ou l’urgence à agir en cas d’épidémie ?
                  un modeleur et est aujourd’hui bien   On ne sait.
                  oublié, sauf aux États-Unis, où le Dahesh   Plus encore, la toge professorale noire
                  Museum de New York lui a consacré    et rouge purpurin, avec un gland doré
                  une exposition en 2004 qui s’intéressait   et un soupçon d’hermine, rappelle
                  à sa peinture d’histoire et aux tableaux   des effigies plus anciennes. On songe
                  orientalistes, sous le titre D’Homère    aux portraits de la Renaissance du milieu
                  au harem.
                                                          e
                                                     du XVI  siècle, en particulier aux
                  Il épousa en mai 1876 Valentine Peigné-   donateurs peints par Tintoret dans
                  Crémieux, petite-fille du sénateur    la Madone des Trésoriers (1567, Venise,
                  Alphonse Crémieux (portraituré par    Accademia) ou à Saint Marc avec trois
                  lui en 1878) et cousine germaine    procurateurs (1568, Berlin,
                  de Madame Proust, née Jeanne Weil.   Gemäldegalerie), ou à bien d’autres
                  Elle mourut le 15 octobre de cette même  effigies maniéristes. Le peintre, peut-être
                  année, mais le peintre conserva    inspiré par le costume, a choisi ces
                  des relations avec les familles Crémieux   lointaines références, gage d’originalité
                  et Weil dont témoigne par exemple    dans le cadre convenu du portrait.
                  le portrait d’Adrien Proust.       Le tout avec un métier serré parfaitement
                                                     ingriste. Pour le définir, l’historien
                  Le professeur Proust, vêtu de sa robe    de l’art Henri Bouchot (1849-1906) disait
                  de professeur d’hygiène à la Faculté    de Lecomte du Nouÿ : « C’est Ingres
                  de Médecine de Paris, est représenté    qui fait du Gérôme ».
                  à mi-corps, assis, plume d’oie à la main,
                  prêt à signer des documents officiels :
                  les papiers portent l’en-tête de la faculté




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