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Le 17 juillet 1904, invité à dîner chez Anna de Noailles, Proust y « casse son plus
        beau Tanagra », comme il le raconte ensuite à Antoine Bibesco (IV, 195)  puis,
        plus en détails,  à Bertrand de Fénelon : «  j’ai voulu aller tout de même une fois
        avenue Henri Martin et dès les premiers mots, [d’] un trop grand geste, j’ai cassé
        un Tanagra en mille morceaux. Que faire ? » (IV, 199). Le catalogue de l’exposition
        consacrée à Anna de Noailles en 1953 fait en effet état dans la section « Objets
                                                 °
        donnés ou prêtés à la Bibliothèque nationale », n  84, page 20, d’une « Statuette de
        Tanagra brisée par Marcel Proust en 1905. » (sic)
        Peut-on voir ici une des sources de la maladresse de Bloch renversant un vase chez
        Madame de Villeparisis  dans Le Côté de Guermantes ?  Toujours est-il que la seule
        mention de Tanagra dans la Recherche est associée à la mélancolie d’un temps
        perdu, à la fin de Du côté de chez Swann : « Au lieu des belles robes dans lesquelles
        Mme Swann avait l’air d’une reine, des tuniques gréco-saxonnes relevaient avec
        les plis des Tanagra, et quelquefois dans le style du Directoire, des chiffons liberty
        semés  de  fleurs  comme  un  papier  peint.  »  Se  dessine  ainsi  un  croisement  des
        modèles puisque Laure Hayman et ses saxes sont utilisés pour des personnages
        Guermantes alors que le malheureux tanagra brisé chez Anna de Noailles se trouve
        associé à Odette de Crécy. Proust a-t-il superposé, aux souvenirs qu’il avait gardés
        de Laure Hayman, celui de la pointe sèche représentant Madame Helleu — cygne
        sur le rebord de la commode compris — lorsqu’il décrit ainsi Mme Swann :
        Dans la chambre où on la trouvait le plus souvent et dont [Odette] disait : « Oui, je
        l’aime assez, je m’y tiens beaucoup ; je ne pourrais pas vivre au milieu de choses
        hostiles et pompier ; c’est ici que je travaille » (sans d’ailleurs préciser si c’était à un
        tableau, peut-être à un livre, le goût d’en écrire commençait à venir aux femmes qui
        aiment à faire quelque chose et à ne pas être inutiles), elle était entourée de Saxe
        (aimant  cette  dernière  sorte  de  porcelaine,  dont  elle  prononçait  le  nom  avec  un
        accent anglais, jusqu’à dire à propos de tout : C’est joli, cela ressemble à des fleurs de
        Saxe) ; elle redoutait pour eux, plus encore que jadis pour ses magots et ses potiches,
        le toucher  ignorant des domestiques auxquels elle  faisait  expier les transes qu’ils
        lui avaient données par des emportements auxquels Swann, maître si poli et doux,
        assistait sans en être choqué.
                                                                         E.D.-J.
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