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“Bonjour, Monsieur Elstir”
Comme Mme Swann, le peintre Elstir est, à l’instar de tous les personnages de Proust,
composite. Son nom, ainsi que l’a fréquemment suggéré la critique, pourrait être
un mélange de “Helleu” et “Whistler”. Sa description physique dans À la recherche
du temps perdu, de même que certains détails biographiques correspondent assez
bien à la personne d’Helleu. Certes, bien d’autres peintres que connaissait Proust
— Alexander Harrison, Boldini, Jacques-Emile Blanche, Vuillard entre autres —
ont contribué à la fabrication des tableaux fictifs qui parsèment la Recherche mais
Helleu est sans doute le seul que Proust ait verbalement reconnu comme modèle, à
en croire Paulette Howard-Johnston : Je me souviens bien, vers 1918 ou 1919, un soir
où exceptionnellement j’avais été autorisée à prolonger la soirée avec mes parents,
qu’un chauffeur se présenta vers onze heures portant une corbeille de fleurs aussi
grande que lui, derrière laquelle il disparaissait complètement. Il venait demander
« si Monsieur Proust, qui attendait en bas, pouvait se permettre de venir faire une
visite ». Proust parut quelques instants plus tard, revêtu d’une pelisse, malgré la
douceur de la température. Ses cheveux très noirs faisaient ressortir et augmentaient
encore la pâleur de sa figure. Et ce qui m’intrigua encore davantage, et ce qui me
fait plaisir aujourd’hui, c’est qu’il aborda mon père en disant : « Bonjour, Monsieur
Elstir ».
Elyane Dezon-Jones et Anne Imbert
Autoportrait d’Helleu, détail du portrait de Paul Acker. Paul Helleu, 1904