Page 3 - Brochure Reynaldo Hahn
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« À Marcel. / Reynaldo » : ce simple envoi du musicien à l’écrivain
est inscrit au bas du portrait photographique de Reynaldo Hahn que le
musée Marcel Proust a acquis chez Sotheby’s avec le soutien du Fonds
du patrimoine, le lot étant accompagné d’une lettre autographe de Hahn.
Réalisé par le photographe d’origine suédoise Otto Wegener, dit Otto,
l’un des plus en vue de de la haute société parisienne de l’époque, il
montre le compositeur autour de sa vingtième année, en tenue de ville,
le visage poupin et juvénile, arborant une volumineuse moustache en
guidon, attribut viril et racé en usage dans la société où il évolue.
Tel était le Reynaldo Hahn que Marcel Proust a rencontré
vraisemblablement pour la première fois le 22 mai 1894 dans l’atelier de
Madeleine Lemaire, lors du « mardi » consacré au recueil de poèmes Les
Chauves-Souris de Robert de Montesquiou. Disciple du chef de file de
l’art lyrique français de l’époque, Jules Massenet, compositeur prodige
dont les premières mélodies avaient été éditées alors qu’il n’avait que
quinze ans, Hahn fait alors l’admiration des salons et du milieu littéraire
avec son cycle Chansons grises, sur des poèmes de Verlaine, paru chez
Heugel en 1893. Présentement, il achève la composition d’une « idylle
polynésienne » en trois actes, L’Île du rêve, adaptation scénique du roman
à succès de l’écrivain-navigateur Pierre Loti, Le Mariage de Loti. Éditée
en 1897 chez Heugel, avec une illustration de Madeleine Lemaire
représentant un rameau de mimosa sur la couverture, l’œuvre ne sera
créée à l’Opéra-Comique de Paris que le 23 mars 1898, son nouveau
directeur Albert Carré et son responsable de la musique André Messager
souhaitant promouvoir la jeune école française. Le choix de Reynaldo
Hahn, qui n’avait pu concourir pour le prix de Rome à cause de sa
nationalité vénézuélienne, leur sera du reste reproché.