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Proust a passé trois semaines à Dieppe en août 1895, où il séjourna – en
compagnie de Reynaldo Hahn – chez Madeleine Lemaire, dans la villa
qu’elle louait au 32 rue Aguado (maintenant boulevard de Verdun). En
sortant de chez elle, et se tournant vers le château qui surplombe la ville,
il avait à sa droite la vue du restaurant du vieux Casino que Blanche re-
présente dans son tableau de 1904, récemment acquis par la Société des
amis de Marcel Proust. Proust s’est promené la rue Aguado, le long du
front de mer, en espérant que l’air marin soignerait son asthme, comme
il l’explique à Marie Nordlinger : « Papa parti en voyage, c’est la mer qui
est si bonne à tout faire et guérir, qui s’occupe de ma santé, du moins en
grand et je me trouve très bien de ce médecin qui soigne à la fresque. »
(Corr. I, p. 418)
Le séjour de Proust chez Madeleine Lemaire prolongeait sur la côte nor-
mande les rencontres mondaines de la capitale. Le Gaulois du 24 août
1895 en fait part, sous la rubrique « Mondanités : Paris hors Paris », où le
journaliste s’entretient avec « un habitué de la plage » :
on se met à parler des membres de la société parisienne qui se
trouvent à Dieppe en ce moment. C’est tout Paris, comme on
le verra : Dieppe, Le Puits Salé, Jacques-Émile Blanche, 1920.
Mme la comtesse Greffulhe est à sa délicieuse villa Ma Case [… ].
Le peintre Jacques Blanche, fils du regretté docteur Blanche, ha- par M. Saint-Saëns à Madame Lemaire . »
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bite également sa villa, située au pied de la falaise. [… ] Le séjour à Dieppe en 1895 marque une étape significative dans la car-
La rue Aguado est habitée par de sympathiques personnalités rière littéraire de Proust. À cette époque, la ville portuaire se caractéri-
de la société parisienne : Comte et comtesse Louis de Périgord, sait par son cosmopolitisme et par un extraordinaire foisonnement créa-
M. Josselin de Rohan, Mme Madeleine Lemaire, M. Marcel tif. Le peintre britannique Walter Sickert y avait élu domicile ; pendant
Proust et M. Reynaldo Hahn, qui sont les hôtes de l’éminente l’été 1895 y ont rendu visite Aubrey Beardsley, l’illustrateur de Salomé
artiste. d’ Oscar Wilde dans la version anglaise parue l’année précédente, et le
L’espoir qu’avait Proust de voir Robert de Montesquiou à Dieppe ne s’est poète Arthur Symons, auteur de l’article intitulé « Dieppe 1895 » qui
pas réalisé ; en revanche il y a fait la connaissance de Camille Saint-Saëns, parut en première page du premier numéro de la revue The Savoy. Celle-
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comme une carte de visite conservée au Château-Musée de Dieppe en ci est née de conversations entre l’éditeur Leonard Smithers et Symons,
témoigne. Proust écrit au compositeur pour attirer son attention sur l’ar- au Café des Tribunaux, sur la place du « Puits salé », peint en 1920 par
ticle qu’il lui consacre, publié en première page du Gaulois du 14 dé- Jacques-Émile Blanche. Blanche était anglophile et assumait tout natu-
cembre 1895, et rappelle « le charme d’une certaine visite faite à Dieppe rellement le rôle d’intermédiaire entre les acteurs de la culture anglaise et
4 Voir Bernard Lagneau-Ben Semar, « Dieppe, cet été-là », dans « L’été dieppois de Proust : le
3 Voir Corr. I, p. 414.
temps retrouvé d’une saison », Quiquengrogne, n° 24, mai 2001, p. 6.