Page 18 - La Pendule
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la femme qu’il aime. Proust lui répondit par des encouragements, lui
               suggérant néanmoins de réfléchir à des images plus variées, de « rendre la
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               couleur avec plus d’originalité  ». La parution du livre, au début de l’année
               1905, coïncida avec le mariage de son auteur.
                 Au désespoir d’une jeune femme qui s’en donna la mort, comme Proust
               l’annonça à sa mère dans une lettre, Gabriel se fiança en 1904 à Odile
               de Richelieu (1879-1974), fille d’Armand de Jumilhac, duc de Richelieu
               (1847-1880) et d’Alice Heine (1857-1925), qui s’était remariée en 1889,
               après son veuvage, avec le prince Albert de Monaco. Le titre de duc de
               Richelieu avait été recréé, par une ordonnance royale de 1818, en faveur
               des Jumilhac à la mort du ministre des affaires étrangères de Louis XVIII.
               Quant à la belle-mère de Gabriel, elle était la fille d’un riche banquier,
               régent de la Banque de France et cousin du poète Henri Heine, d’une
               famille de tradition juive.
                 Conclu le 8 février 1905 à la mairie du VII  arrondissement, le mariage
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               civil fut suivi le lendemain, jeudi 9 février, d’une cérémonie religieuse
               célébrée dans l’intimité, en raison d’un décès survenu dans la famille de
               la mariée, dans la chapelle de la Sorbonne. Par un privilège spécial, les
               Richelieu étaient en effet autorisés à organiser des services dans cette église
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               reconstruite au xvii  siècle par le cardinal de Richelieu, qui y est inhumé.
               Gabriel avait choisi comme témoins deux de ses oncles, le comte Gaston
               de La Rochefoucauld, frère de son père, qui avait accueilli en 1889 dans
               sa villa aujourd’hui disparue de Biarritz la reine Victoria , et le comte de
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               Mailly-Chalon, qui avait exploré dans les années  1880 l’Asie centrale
               et les Indes. La mariée, vêtue « d’une robe de satin blanc tout unie » et
               couronnée « d’un diadème de fleurs d’orangers », avait elle aussi retenu
               comme témoins deux de ses parents, son frère, le dernier duc de Richelieu,
               et son oncle le colonel-marquis de Nadaillac.
                 Dans l’assemblée, le journaliste du  Figaro relevait la présence de la
               princesse de Monaco, mère de la mariée, de l’infante Eulalie, duchesse


               7   Alain de Botton, Comment Proust peut changer votre vie (1997), réédition, Paris, Denoël,
                 collection 10/18, 2008, p. 115.
               8  Le Gaulois, lundi 4 mars 1889, p. 2.




     20    Une pendule offerte par Marcel Proust
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