Page 14 - brochure Potocka
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Schlumberger. Elle se faisait appeler et signait « la Patronne »,
comme M Verdurin, et comme celle-ci, elle était grande mu-
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sicienne.
M de Chevigné, voyant partir de chez elle la comtesse en
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compagnie d’un amant supposé, fit ce mot d’esprit : « Elle
est comme le soleil, elle se lève à un endroit et se couche à
un autre » (mot prêté par Proust à Oriane de Guermantes).
Toujours blasée, elle était pourtant avide des émotions qu’elle
n’éprouvait pas. Presque septuagénaire, elle restait encore sé-
duisante. Jacques-Émile Blanche déclare dans ses souvenirs à
propos de celle qui fut son premier (et son dernier) amour
féminin : « Je suis un autre homme depuis qu’elle m’a ensorce-
lé ». Le portrait de Maria Prévot montre des cheveux noirs, de
grands yeux mélancoliques, un teint de lait, une bouche mépri-
sante. Des témoignages font d’elle une héroïne baudelairienne,
séductrice, mais froide, cruelle et décevante. On l’a comparée
à Méduse, à Circé. Un knout à manche d’argent ornait sa table
de salle à manger ou un guéridon de son salon. Elle partage
avec M Straus, autre modèle de Maupassant, ou Anna de
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Noailles, une sorte de neurasthénie que son enfance boulever-
sée explique.
Bientôt les années vingt. L’ héroïne tragique s’enferme dans la
solitude avec ses chiens, et mourra, comme celui qui l’avait tant
aimée, Maupassant, dans une clinique de l’ouest parisien.
Et Proust ? Il reçoit plusieurs fois la comtesse à de grands dîners
rue de Courcelles et lui rend visite 14 bis rue Chateaubriand
puis rue Théophile Gautier. Sous le signe des Secrets de la prin-
cesse de Cadignan et de La Chartreuse de Parme, dont les héroïnes
n’étaient pas des modèles de vertu, plutôt que d’étudier des