Page 26 - BRO_Adrien Proust
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Deux discours d’Adrien Proust









                  La situation particulière d’Adrien Proust  L’œil attentif et exercé de l’hygiéniste
                  dans la vie et l’œuvre de son fils confère   se double, étonnamment, d’un regard
                  une grande valeur à deux discours qu’il    de poète sensible à « la mélancolie
                  a prononcés en 1903. À deux reprises,    du souvenir » et au charme des vieilles
                  en effet, quelques mois avant sa dispa-   pierres : Adrien Proust demande –
                  rition brutale, le professeur Proust    et regrette tout à la fois –
                  a été amené à retourner au pays natal,   le remplacement des vieilles demeures
                  d’abord à Chartres, pour l’inauguration    par des constructions modernes,
                  du monument à Pasteur, puis à Illiers,   lumineuses et aérées.
                  pour la remise des prix à l’école
                  supérieure.                        Même amphibologie quand il s’agit
                                                     du cours du Loir alenti par la végétation,
                  Dans ces deux discours le propos    à la fois source de beauté et de maladies.
                  du père croise plusieurs fois les préoc-  Kolb note, à juste titre, que ces lignes
                  cupations du fils et certains thèmes    préfigurent les pages sur la Vivonne,
                  du roman à venir ; Philip Kolb, à qui    on peut également remarquer
                  on doit la première publication    que la « photographie » de l’incendie
                  de ces deux discours dans le volume    de Châteaudun est mentionnée dans
                  des Textes retrouvés de Marcel Proust,    un fragment de Jean Santeuil dont
                  l’a signalé.                       Marcel Proust en reprendra l’essentiel
                                                     dans « Sur la lecture ». Publiée moins
                  Les citations de poètes modernes
                  semblent apportées par le fils dans    de dix-huit mois après les discours
                  le discours du père, plus familier    d’Adrien Proust, le discours prononcé
                  des citations latines, selon un usage bien   à Illiers apparaît comme une matrice
                  établi alors dans les prises de paroles   de ce qui deviendra « Combray »,
                  officielles. Dans ces textes écrits alors   chapitre fondateur d’A la recherche
                  que Marcel travaille à traduire La Bible   du temps perdu – via « [Le Côté
                  d’Amiens de Ruskin, il est curieusement   de Villebon et le côté de Méséglise] »
                  question d’architecture et de statuaire   des Soixante-quinze feuillets et les cahiers
                  médiévales, alors même que le discours   de brouillons.
                  du savant affirme que le bonheur    Les sensibilités opposées des deux
                  de l’humanité passe par les progrès    hommes se tissent si étroitement dans
                  de la science et dénonce, mezzo voce,    ces deux discours que si Marcel n’y
                  la religion et ses superstitions.  a pas collaboré directement avec son père,
                                                     c’est qu’Adrien s’est plu à reprendre
                                                     des idées de son fils, dans un acte de com-
                                                     plicité et d’affection.





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