Page 29 - BRO_Adrien Proust
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Discours d’Adrien Proust,
lors de l’inauguration du monument à Louis Pasteur,
Chartres, le 7 juin 1903
fait en avant dans la voie nouvelle. Il y a lieu d’insister sur la révolution accomplie
en médecine à la suite de ses travaux sur le charbon où l’on trouve en germe
tous les progrès réalisés depuis, dans toutes les branches des sciences médicales.
Pasteur nous a appris qu’il n’y a point de maladie infectieuse naissante par génération
spontanée. Voilà le point fondamental. Sans doute, de tout temps, on a eu
une tendance marquée à attribuer l’origine des maladies infectieuses et contagieuses
de l’homme à un contact animé, à des organismes inférieurs, vivant en parasites
chez les sujets infectés.
La découverte des infusoires de Leuwenhoek parut donner une base sérieuse
à ces simples vues de l’esprit, et la doctrine parasitaire fut acceptée sans restriction
par Kircher, Réaumur et Linné. Cette doctrine était presque totalement tombée
en discrédit quand les belles recherches de Pasteur sur les fermentations vinrent intro-
duire dans le problème un élément nouveau et décisif. Il démontre que l’air atmos-
phérique est le réceptacle d’une infinité de germes vivants qui, par leur prolifération
et leur multiplication si actives, déterminent les phénomènes de fermentation
et de putréfaction.
De là l’idée que les maladies infectieuses et contagieuses de l’homme ne sont
elles-mêmes que des zymoses, il n’y avait qu’un pas. Nous savons que le choléra
ne peut dériver que d’un germe cholérique, que la peste ne provient jamais que
de la peste, que la fièvre jaune demande toujours l’importation de la fièvre jaune.
Maintenant que nous n’acceptons plus l’origine banale de toutes ces maladies,
maintenant que nous nous appuyons sur ces notions précises de spécificité,
nous savons mieux prévenir ces maladies et nous opposer à leur propagation.
D’autre part, sans la détermination des microbes pathogènes, la sérothérapie
n’aurait pas vu le jour. La découverte des virus atténués et de leur utilisation pour
la vaccination de la rage, du charbon, etc., montrent la part initiatrice de Pasteur
dans cette thérapeutique nouvelle qu’ont enfantée ses doctrines.
Nous avons tous lu, Messieurs, les récits de la peste du Moyen Age qui, en six
ou sept ans, enleva à l’Europe vingt-quatre millions d’individus, le quart ou le tiers
de sa population probable.
En Italie et particulièrement à Florence où les soupçons de la peste propagée
par maléfice prirent une si grande extension, des comités se formèrent pour dénoncer
les coupables imaginaires auxquels des juges eurent la cruauté d’infliger des tortures.
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