Page 31 - BRO_Adrien Proust
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Discours d’Adrien Proust,
lors de l’inauguration du monument à Louis Pasteur,
Chartres, le 7 juin 1903
Et ce n’est qu’un peu plus tard, au milieu du XIII siècle, que vous la verrez appa-
raître au portail de la cathédrale de Reims, portant à la hauteur de son œil une fiole,
où elle examine attentivement l’urine d’un malade.
En revanche, au portail de Chartres, vous verrez un personnage nommé Magus,
le magicien qui symbolise l’alchimie, les recherches hermétiques, vainqueur du mal
qui rampe à ses pieds et à qui cette petite statue fut élevée par la reconnaissance
des hommes qu’il avait préservés ou sauvés.
Ce n’est pas dans un sentiment de moins filiale ni de moins religieuse gratitude
que nous donnons aujourd’hui sa statue au bon magicien qui a délivré l’humanité
de fléaux qu’on croyait invincibles et qui a rendu aux malades découragés l’espérance
d’être guéris un jour, la certitude qu’un jour la cause, le microbe de leur mal serait
découvert.
Messieurs, je vous parlais tout à l’heure de cette peste si meurtrière de Florence ;
à ce moment vous avez vu qu’on croyait que la peste se propageait par des semeurs qui
prenaient dans de vastes laboratoires des onguents pesteux qu’ils allaient répandre
un peu partout. Eh bien ! Les progrès de la science, qui ont fait sortir du domaine
du merveilleux pour les faire entrer dans celui de la réalité tant de rêves singuliers
des vieux âges semblent avoir réalisé aussi cette superstition d’une époque naïve,
mais en changeant en bienfait le caractère de maléfice, comme ces poisons dont
la médecine a fait des remèdes. Sans doute ce n’était que dans l’imagination
des hommes du Moyen Age qu’il y avait des laboratoires où le germe de la peste était
cultivé ; ils existent aujourd’hui en réalité, on y cultive bien le principe mystérieux,
il n’est plus destiné à combattre les hommes, mais à les guérir et même à prévenir
l’apparition de la maladie. Pasteur, Messieurs, fut le créateur génial de ces laboratoires
bienfaisants dont l’Humanité et la Science lui garderont une éternelle reconnaissance.
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