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comme ses parents et grands-parents mais aussi la langue de Shakespeare
qu’elle lit couramment. Elle aidera son fils lors dans la traduction de
La Bible d’Amiens de John Ruskin. Sa correspondance montre qu’elle
possède des notions de latin, chose rare à cette époque car il n’était pas
enseigné aux filles.
Le samedi 3 septembre 1870, au lendemain de la défaite de Sedan qui
va précipiter la chute du Second Empire, Jeanne Weil épouse le docteur
e
Adrien Proust à la mairie du 10 arrondissement. Les témoins du mariage
sont deux frères, Gustave et Charles Cabanellas, un médecin et un agent
de change, ainsi que le frère de Jeanne, Georges Weil, juriste, et son
grand-oncle Adolphe Crémieux, ancien ministre et sénateur. Il s’agit vrai-
semblablement d’un mariage « arrangé » entre la jeune fille juive fortunée
et le brillant médecin d’origine provinciale, catholique mais athée. Pas de
mariage religieux bien sûr, mais les enfants seront baptisés pour satisfaire
au rituel social.
Jeanne a 21 ans, et ne tarde pas à mettre au monde son premier fils,
Marcel, le 10 juillet 1871, dans la propriété de son oncle, l’industriel
Louis Weil, au 96 rue de La Fontaine où elle s’est réfugiée en raison de la
période troublée à Paris. Un deuxième fils, Robert, naît le 24 mai 1873.
La vie de Jeanne Proust sera tout entière consacrée à ses rôles d’épouse et
de mère. L’enfant sensible, nerveux et exigeant qu’est Marcel la requiert
beaucoup, s’y ajoutera l’inquiétude maternelle à la suite des violentes
crises d’asthme qu’il subit et qui mettent parfois sa vie en danger. Mais
il ne faudrait pas minimiser son rôle auprès de son fils cadet Robert que
les lecteurs d’À la recherche du temps perdu ont parfois tendance à oublier.
Jeanne Proust ne néglige pas non plus ses devoirs d’épouse et se montre
une maitresse de maison accomplie, recevant les collègues de son mari ou
de ses fils. Elle est aussi une femme cultivée, lectrice passionnée, fréquen-
tant les expositions de peinture, jouant du piano avec talent. Son carnet
d’adresses témoigne d’une vie sociale active qui se double de ses relations
étroites avec sa nombreuse parentèle.
Le beau portrait d’Anaïs Beauvais nous montre une jeune femme d’une
trentaine d’années, au visage sensuel, intelligent et mystérieux. Les photo-
graphies plus tardives de Nadar révèlent une dame à la taille épaissie,
Page ci-contre : Jeanne Weil par Nadar en 1904