Page 12 - brochure-Weil-v2
P. 12

12

          à l’air un peu triste. Mais le regard intelligent est resté le même. Nous                                Anaïs Beauvais
          la connaissons surtout par la correspondance échangée avec Marcel et
          le témoignage de celui-ci. L’amour qui les unissait se teinta parfois de
          reproches réciproques, tant la mère tenta de convertir son fils à une vie
          plus régulière. Elle se montra à la fois aimante et exigeante. Mais qui est                                  par Oriane Beaufils
          Jeanne Proust ? Sans doute une personne plus complexe qu’il n’y paraît,                                   Conservatrice du patrimoine
          dont l’esprit aigu, l’attachement aux siens, la rigueur morale, l’humour
          teinté d’ironie, la pudeur des sentiments, ne masquent pas totalement une
          certaine solitude. Elle meurt des suites d’une urémie, comme sa mère et
          son frère, le mardi 26 septembre 1905, à 56 ans, et est enterrée selon le                  naïs Beauvais (1832-1898), née Lejault, originaire du Nivernais
          rite juif au cimetière du Père-Lachaise où reposait déjà son mari.                         appartient à cette génération de femmes peintres qui se feront
                                                                                             Aremarquer au Salon  et  dans  la  société  parisienne  de la  Belle
                                                                                             Epoque à l’instar de Louise Abbéma ou de la célèbre Nélie Jacquemart,
                                                                                             portraitiste de la mondanité. Elle entretient un cercle d’amis, musiciens,
                                                                                             artistes, intellectuels qu’elle reçoit dans son salon du quai Voltaire ou à
                                                                                             Chennevières.  Elle épouse en 1889 son propriétaire parisien, le peintre
                                                                                             Charles Landelle.


                                                                                             Elle expose au Salon pour la première fois en 1867 une Vénus et l’Amour,
                                                                                             sujet mythologique qui lui vaut une élogieuse et sensuelle critique de Marc
                                                                                             de Montifaud dans la revue L’Artiste. « Les seins sont réalisés dans une
                                                                                             abondance de pâte surglacée d’un ton d’or. La chevelure est d’un beau
                                                                                             ton roux qui s’enlève vigoureusement sur les tempes d’une consonance
                                                                                             brûlante. (…). C’est la chair ensoleillée. Ce n’est point l’exubérance de
                                                                                             santé de Rubens mais la morbidesse italienne dans ses plus voluptueuses
                                                                                             carnations ». Œuvre chaleureuse, présage d’une carrière prometteuse, la
                                                                                             Vénus de 1867 (à ce jour non localisée) évoque aussi Le Pêcheur surpris par
                                                                                             une sirène de 1869, conservé au musée de la faïencerie Frédéric Blandin de
                                                                                             Nevers. On y retrouve les chairs féminines exposées aux lumières dorées
                                                                                             de l’école vénitienne. Ces scènes mythologiques du début de sa carrière,
                                                                                             qui témoignent d’une connaissance des grands maîtres et d’un attrait pour
                                                                                             la Renaissance italienne, laissent cependant rapidement la place à l’art du
                                                                                             portrait. L’ascension de la figure bourgeoise et de celle de l’intellectuel
                                                                                             dans la société parisienne fait du portrait l’un des genres les plus prisés du
                            Marcel Proust, sa mère et son frère Robert
   7   8   9   10   11   12   13   14   15   16   17