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 à l’air un peu triste. Mais le regard intelligent est resté le même. Nous   Anaïs Beauvais
 la connaissons surtout par la correspondance échangée avec Marcel et
 le témoignage de celui-ci. L’amour qui les unissait se teinta parfois de
 reproches réciproques, tant la mère tenta de convertir son fils à une vie
 plus régulière. Elle se montra à la fois aimante et exigeante. Mais qui est   par Oriane Beaufils
 Jeanne Proust ? Sans doute une personne plus complexe qu’il n’y paraît,   Conservatrice du patrimoine
 dont l’esprit aigu, l’attachement aux siens, la rigueur morale, l’humour
 teinté d’ironie, la pudeur des sentiments, ne masquent pas totalement une
 certaine solitude. Elle meurt des suites d’une urémie, comme sa mère et
 son frère, le mardi 26 septembre 1905, à 56 ans, et est enterrée selon le   naïs Beauvais (1832-1898), née Lejault, originaire du Nivernais
 rite juif au cimetière du Père-Lachaise où reposait déjà son mari.   appartient à cette génération de femmes peintres qui se feront
          Aremarquer au Salon  et  dans  la  société  parisienne  de la  Belle
          Epoque à l’instar de Louise Abbéma ou de la célèbre Nélie Jacquemart,
          portraitiste de la mondanité. Elle entretient un cercle d’amis, musiciens,
          artistes, intellectuels qu’elle reçoit dans son salon du quai Voltaire ou à
          Chennevières.  Elle épouse en 1889 son propriétaire parisien, le peintre
          Charles Landelle.


          Elle expose au Salon pour la première fois en 1867 une Vénus et l’Amour,
          sujet mythologique qui lui vaut une élogieuse et sensuelle critique de Marc
          de Montifaud dans la revue L’Artiste. « Les seins sont réalisés dans une
          abondance de pâte surglacée d’un ton d’or. La chevelure est d’un beau
          ton roux qui s’enlève vigoureusement sur les tempes d’une consonance
          brûlante. (…). C’est la chair ensoleillée. Ce n’est point l’exubérance de
          santé de Rubens mais la morbidesse italienne dans ses plus voluptueuses
          carnations ». Œuvre chaleureuse, présage d’une carrière prometteuse, la
          Vénus de 1867 (à ce jour non localisée) évoque aussi Le Pêcheur surpris par
          une sirène de 1869, conservé au musée de la faïencerie Frédéric Blandin de
          Nevers. On y retrouve les chairs féminines exposées aux lumières dorées
          de l’école vénitienne. Ces scènes mythologiques du début de sa carrière,
          qui témoignent d’une connaissance des grands maîtres et d’un attrait pour
          la Renaissance italienne, laissent cependant rapidement la place à l’art du
          portrait. L’ascension de la figure bourgeoise et de celle de l’intellectuel
          dans la société parisienne fait du portrait l’un des genres les plus prisés du
 Marcel Proust, sa mère et son frère Robert
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