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des « qualités réelles de peinture ». Au salon de 1880, elle présente une
œuvre d’une grande originalité : La Mort d’Albine (Laval, musée du Vieux-
Château). Le sujet est emprunté à Émile Zola, qui publie en 1875 La
Faute de l’abbé Mouret, roman qui s’achève sur le terrible suicide de la jeune
Albine, sauvageonne du Paradou, dont l’abbé avait eu le malheur de
s’éprendre, « dans le hoquet suprême des fleurs ».
C’est cette même année qu’elle peint le portrait de Jeanne Proust, la mère
de Marcel. Représentée âgée de trente ans, la physionomie de Madame
Adrien Proust évoque ces figures sévillanes vêtues de noir et sur fond noir
de Velasquez mais aussi Jean-Jacques Henner. Son « atelier des Dames »,
créé avec Carolus-Duran avait en effet formé Anaïs Beauvais et nombre
de ses consoeurs peintres entre 1875 et 1889. L’initiative était originale :
permettre aux dames n’ayant pas accès à l’enseignement de l’École des
Mort d’Albine
temps. Chacun souhaite posséder le sien. Anaïs Beauvais expose en 1869
au Salon un portrait de femme qui témoigne d’une « dextérité de main à
la fois énergique et légère imprimant chaque touche avec une profondeur
intense » (L’Artiste, Salon de 1869). Elle emprunte progressivement à
Carolus-Duran le fond sombre, le contraste entre l’ébène et le blafard
que le maître reprenait à Velasquez. Le grand artiste espagnol constituait
en effet un modèle absolu pour les portraitistes de l’époque, notamment
pour Edouard Manet et Carolus-Duran. Au salon suivant, en 1870, où
« les femmes peintres sont plus nombreuses au Salon que les femmes
peintes », elle s’illustre en livrant deux portraits des musiciens Aristide
Hignard, l’ami de Jules Verne et du violoniste espagnol Pablo de Sarasate.
N’abandonnant pas totalement la scène de genre, Anaïs Beauvais se
consacre cependant souvent à des figures féminines. En témoigne La
Ciga, présentée au Salon de 1878, « une jeune brune que le vent d’au-
tomne surprend grelottante sur un banc de pierre er n’ayant pour tout
habillement qu’une mandoline gisant à ses pieds » dont la critique dit
que la composition manque de gaieté mais qui présente néanmoins
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