Page 20 - brochure Potocka
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clair et les grands yeux indolents, mélancoliques maintes fois
décrits par les hagiographes du modèle. Les jeux d’ombre et
de lumière qui donnent au regard cette profondeur, accentuent
également la fossette sous les lèvres et rendent d’autant plus
intense la chevelure brillante noire de jais, soigneusement rele-
vée au-dessus de la tête autour d’une raie médiane, ces « che-
veux d’un noir où passent les lueurs de feu », comme l’écrivit
un chroniqueur du Figaro. L’artiste a également, sans l’achever,
donné le ton de la mise de l’une des femmes les plus coquettes
du Paris de la Belle Époque. La mantille est fermée autour
de son cou par un large nœud noir pour lequel Maria Prévot
joue des nuances de son pinceau, afin de lui donner toute sa
consistance.
On ne sait que bien peu de choses de Maria Prévot, artiste
originaire de Villeneuve-sur-Yonne, qui semble s’être surtout
distinguée dans l’art du portrait. Elle fut l’élève de Carolus-
Duran et de Jean-Jacques Henner au sein du fameux « Ate-
lier des Dames », ouvert quai Voltaire en 1874, qui accueillit
notamment Madeleine Smith, Juana Romani ou encore Anaïs
Beauvais à qui l’on doit un portrait de la mère de Marcel Proust.
L’artiste présente une touche animée qui s’éloigne de celle des
portraits mondains de la fin du Second Empire d’une Nélie
Jacquemart par exemple. Léon Bonnat avait déjà réalisé en
1880 le portrait de la comtesse ( Bayonne, Musée Bonnat) avec
cette même coiffure, cette digne frontalité et ce contraste des
sombres et des clairs, comme pour accentuer le charme mé-
diterranéen du modèle. Le portrait de Marie Prévot, s’il garde
cette frontalité songeuse, doit sans doute davantage à l’art de
Jean-Jacques Henner (on pense au Portrait de femme conservé
au musée des Beaux-Arts de Mulhouse), dans cette faculté à