Page 24 - brochure Potocka
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Comtesse Pietranera ! princesse de Cadignan ! figures char-
mantes ! ni plus « littéraires » ni plus « vivantes » que celle, du
reste si différente, de la comtesse Potocka. Que de fois j’ai
pensé à vous ( je veux dire au cadre extérieur de votre vie, non
à votre vie, bien entendu ) en voyant un visiteur peu favori-
sé sonner au petit hôtel de la rue Chateaubriand et recevoir
du concierge un impitoyable « Madame la comtesse est sor-
tie », tandis que devant la porte l’équipage de la duchesse de
Luynes se promenant au pas, ou l’automobile de la comtesse
de Guerne arrêtée, disaient trop clairement que « Madame la
comtesse » était bel et bien rentrée. Pour ne pas ajouter une
humiliation à la tristesse du visiteur éconduit, j’attendais qu’il
fût loin. Alors seulement je m’approchais du concierge qui me
concédait « La comtesse est chez elle. » La porte lourdement
refermée sur la rue Chateaubriand il semblait que par quelque
enchantement on se trouvât soudain à dix lieux de Paris tant
« le petit jardin plein d’arbustes et de gazon » décrit par Balzac
dépaysait aussitôt l’imagination en s’adressant vivement à elle
dans le langage de son silence et la rumeur de ses parfums.
Jamais zone d’initiation ne fut plus féconde à traverser avant
d’approcher une déesse.
Au moment où on arrivait au vestibule de la comtesse, on avait
déjà dépouillé tous les souvenirs et toutes les préoccupations
de la ville et de la journée. On arrivait aussi autre que si l’on
avait dû faire un long pèlerinage pour trouver une maison iso-
lée. Mais pour des raisons, très balzaciennes aussi, que nous
expliquerons tout à l’heure, cet exil au cœur même de Paris n’a
pas suffi à la comtesse. Il lui a fallu l’exil effectif. Et c’est main-
tenant tout au fond d’Auteuil, presqu’à la porte de Boulogne,
entre les platanes de la rue Théophile-Gautier, les marronniers