Page 10 - Brochure Reynaldo Hahn
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Le « dieu déguisé »
Leur histoire d’amour va durer jusqu’à l’été 1896, presque deux ans
pendant lesquels ils vont mener une intense vie mondaine, fréquentant
la haute société parisienne et les hommes de lettres qu’elle met en valeur,
de M Hochon et Stern aux Polignac, de Daudet, Heredia et Anatole
mes
France à Robert de Montesquiou. On les voit souvent à l’Opéra ou au
concert avec les dames Lemaire et le perspicace Willy ne tarde pas à les
identifier comme un couple, relevant leur présence salle d’Harcourt dans
L’Écho de Paris du 20 février 1895, où Proust est « fleuri d’une rose moins
rose que ses lèvres roses ». Ils sont reçus dans leurs familles respectives, ce
dont témoigne un cliché d’amateur, pris probablement en juillet 1895, qui
les montre, blagueurs, arborant d’avantageuses moustaches à la gauloises,
en compagnie de la sœur de Reynaldo, Maria – qui épousera le peintre
Raimundo de Madrazo en 1899 – et du fils d’un premier mariage de celui-
ci, Federico. L’attitude enjouée des protagonistes reflète bien l’ambiance
détendue qui régnait d’ordinaire chez les Hahn, de même que la plaisante
lettre incluse dans le lot acquis par le musée, où le jeune musicien, qui
pratiquait la photographie et signe ici de son surnom enfantin, badine à
propos d’un vœu religieux, certainement avec l’une de ses sœurs :
Comme je suppose que tu me méprises d’avoir perdu à
la fois mon chapeau et mon Kodak, je t’annonce qu’ils sont
retrouvés tous les deux. J’avais fait, presqu’en plaisantant, une
promesse à St Antoine de Padoue. Mais, calmé[,] louant que
ces objets ont été retrouvés avant que j’eusse fait cette promesse,
je songe sérieusement à ne pas la « tenir[ »]. Ce qui serait une
véritable cochonnerie… Je vais en saisir le Sacré Collège, car il
me semble voir là un cas étrange de subtilité théologique.
Adieu.
Nano