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Les collections du Musée possèdent déjà deux aquarelles de
Madeleine Lemaire. Le dessin à la plume, récemment et judicieu-
sement acquis par l’Association, donne l’occasion d’apprécier
plus objectivement les qualités de l’artiste illustratrice des Plaisirs
et les jours, que l’hyperbole des compliments de ses amis, « cette
main divine qui répand les roses avec leur rosée » (Anatole France), a
quelque peu discréditée auprès de la postérité. Il nous permet
aussi de reconsidérer la qualité de l’édition originale des Plaisirs
et les jours.
Ce livre illustré aurait pu ne pas l’être. Si l’on suit les termes
de la lettre de Proust à Charles Grandjean en décembre 1893 :
« Faut-il écrire à M. Georges Calmann que je connais un petit peu… si
vous croyez vraiment que je ne trouverai pas d’éditeur, il vaudrait mieux
renoncer à Mme Lemaire et le faire faire à mes frais. Cela me reviendrait
moins cher que s’il y a aussi des dessins de Mme Lemaire à faire reproduire
à mes frais », on voit que Proust se posait sérieusement la question.
Nous manquons d’information sur la nature d’un contrat, et si
même il en fut rédigé un, qui eût prévu une rémunération pour
Madeleine Lemaire . Durant toutes les années d’élaboration de
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l’ouvrage, Marcel Proust alterna signes d’impatience et de grati-
tude : « J’espère aussi beaucoup que votre mère travaille – et à autre chose
qu’à illustrer mes petites choses qui ayant un peu de son temps ont déjà
beaucoup plus qu’elles ne méritent. » La relation entre l’écrivain et le
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peintre finira par définir la forme du livre. Proust écrit à Charles
Grandjean en novembre 1893, « [Madeleine Lemaire] m’écrit
qu’elle n’a pas le temps de commencer mes dessins avant son retour à Paris,
1 Le 29 avril 1897, cinq des dessins à la plume avaient été mis en vente à Drouot : Marronniers,
houx, chandelle, fougère, trèfle. Avaient-ils été mis en vente par l’éditeur ou par
Madeleine Lemaire qui en serait restée propriétaire ?
2 À Suzette Lemaire, 17 ou 18 septembre 1894.
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