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illustrer la fugacité des sentiments. Mais elle sait aussi choisir avec
justesse une branche de houx hérissée de piquants pour traduire
les remords lancinants de l’héroïne de La Confession d’une jeune fille.
Proust a parfois cherché à contrôler le travail de l’artiste. Il
écrit à Hubert le 31 décembre 1895 : « les petits morceaux insigni-
fiants réunis sous le titre ‘Comédie italienne’ ayant plus de dessins que les
grandes nouvelles sont plus mis en relief, et comme c’est ce qu’il y a de moins
bon dans mon livre, cela m’ennuie que le lecteur ait d’abord l’œil attiré
là-dessus. » En dépit de cette objection, le personnage de Pantalon
et les masques vénitiens figurent en en-tête et cul-de-lampe ac-
compagnés de nigelles de Damas, de réséda et de glycine. Proust
apprécia-t-il la qualité de ces dessins floraux ? Il ne partageait
certainement pas l’incapacité qu’il prête au Narrateur d’identifier
des myosotis sur la reliure offerte par Charlus.
Quelle estime Marcel Proust gardait-il pour l’art de Madeleine
Lemaire ? Il avait conservé une sympathie plus pour la personne
que pour l’artiste. S’il pense à elle, c’est pour offrir un cadeau
d’étrennes à une amie. Dans une lettre du 15 décembre 1906 il
sollicite Reynaldo Hahn : « J’ai lu qu’il y a à l’hôtel Drouot une vente
d’aquarelles de Madame Lemaire. Si d’aventure vous passiez par là […]
et s’il y avait par hasard une jolie aquarelle vendue au maximum cent
cinquante francs, je serais heureux de l’avoir pour en faire kasdeau [sic] à
Louisa [de Mornand]. »
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