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Signac manifeste ici son peu d’estime pour le goût artistique
de Proust. Le nom de Madeleine Lemaire lui vient à l’esprit par
association d’idées. L’illustration des Plaisirs et les jours étant pour
lui l’exemple même d’un art sans intérêt, il en conclut que Proust
y aurait le gout « cucul ». Au moment de cette évocation, en 1932,
Madeleine Lemaire est déjà disparue depuis quatre ans. S’ils ont
été tout à fait contemporains, leurs carrières se sont déroulées
dans des mondes artistiques et des cercles sociaux très éloignés.
Si différents même qu’il est vain de tenter de comparer l’œuvre
de l’anarchiste Signac, inventeur du néo-impressionnisme, et celle
de la co-fondatrice bonapartiste de la Société des aquarellistes. Il
semble que Madeleine Lemaire n’a guère pratiqué la peinture de
paysage, pour autant qu’il est possible d’en juger en l’absence de
catalogue de son œuvre. Les portraits, les scènes mondaines
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et les fleurs ont été les motifs de ses tableaux. Ils sont traités
dans un style classique acquis dès sa formation et qui évoluera
peu. Félix Fénéon, par sa lettre du 6 octobre, ne tarde pas à lui
répondre. Leur amitié lui permettait la franchise et il ne manque
pas de lui expliquer qu’il ne partage pas son opinion :
« Cher Paul, Si l’on réunissait ce qui, dans ‘À la recherche du temps
perdu’, concerne peinture et autres arts, ce petit volume ne serait-il pas, mal-
gré tout, un bon alcool pour les artistes naissants ? M’associant à la lecture
de Ginette, j’ai erré à travers le livre – imprudence : il est contagieux et
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je pourrais être tenté de relire d’affilée les 15 volumes, comme je le fis il y
a deux ou trois ans. J’ai donc revu ce Port de Carquethuit sans trop sentir
que notre auteur aimait les œuvres de Madeleine Lemaire. Admettons avec
10 À notre connaissance un pont (60x50) Sotheby’s 2001
11 Ibid. note 10
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