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L'édition 2020 du Concours de pastiches proustiens organisé par la Société vient de se terminer : les textes devaient être remis avant le 31 mars minuit.

54 pastiches ont été reçus : 47 dans la catégorie amateurs, 5 dans la catégorie professionnels et deux dans la catégories scolaires.

5 pastiches ont été immédiatement disqualifiés, car ils ne respectaient pas la longueur maximale attendue ou la consigne d'introduire le nom Guermantes.

Les résultats seront proclamés le 16 mai, en attendant, vous pouvez retrouver sur notre site :

- les quinze pastiches "finalistes" (ayant obtenu au moins deux voix sur quatre) : https://www.amisdeproust.fr/images/DocsPdf/ConcoursPastichesProustiens2020Finalistes.pdf

- l'intégralité des pastiches reçus : amisdeproust.fr/images/DocsPdf/ConcoursPastichesProustiens2020.pdf.

La société des amis de Marcel Proust vient d'enrichir les collections de la Maison de Tante Léonie - Musée Marcel Proust grâce à l'acquisition d'un dessin de Madeleine Lemaire reproduit dans Les plaisirs et les jours.

Voici la description de ce dessin sur le site de la galerie Johann Naldi :

"MADELEINE LEMAIRE (1845-1928) RARISSIME DESSIN POUR ILLUSTRATION MARCEL PROUST"
Madeleine LEMAIRE(Les Arcs, 1845 – Paris, 1928)
Dessin original à l'encre, signé
XXVI Sous-Bois, tête de chapitre, p. 231(branche de marronniers) 19,5 x 15,5 cm (à vue).
Provenance:
Vente Hôtel Drouot (Georges Petit expert), Aquarelles, dessins, gouaches & sanguines par Madeleine Lemaire, 29 avril 1897, n° 82 («Marronniers, houx, chandelle, fougère, trèfle. Cinq dessins à la plume»).

Notice de Jean-David Jumeau-Lafond, historien de l'Art :
Ces dessins appartiennent à un corpus de compositions réalisées par Madeleine Lemaire à la demande de Marcel Proust pour illustrer son premier livre publié en 1896 chez Calmann-Lévy sous le titre Les Plaisirs et les jours. Dans ce volume, le jeune auteur réunit des textes de diverses natures, nouvelles et poèmes en prose, publiés en 1892 et 1893 dans des revues telles que Le Banquet et la Revue blanche. Pour le futur génie d’À la Recherche du temps perdu, ces années 1890 sont celles de l’apprentissage et c’est essentiellement sous les auspices de Robert de Montesquiou, dont il est alors très proche et qu’il a justement rencontré chez Madeleine Lemaire, que Proust connaît ses premières expériences esthétiques et littéraires. C’est aussi avec l’aide du comte qu’il entre dans «le monde» et découvre l’aristocratie qui peuplera son Grand-œuvre, en particulier la comtesse Elisabeth Greffulhe, cousine de Montesquiou, la future «duchesse de Guermantes». Madeleine Lemaire appartient aussi à ce Paris mondain et artistique dont Proust saura s’inspirer; elle sera le modèle de Madame Verdurin, personnage emblématique d’une bourgeoisie quelque peu parvenue en quête d’ascension sociale. La «patronne» comme on l’appelle dans La Recherche parviendra d’ailleurs à ses fins en devenant princesse de Guermantes dans Le Temps retrouvé. Il n’est pas un hasard que Proust ait choisi de donner comme patronyme à cette figure essentielle de son cycle un nom fleurant bon la nature: Verdurin comme verdure, une référence double, donc, puisqu’elle rappelle la vocation de Madeleine Lemaire, peintre de fleurs, tout en ayant une légère connotation péjorative en suggérant les origines campagnardes du personnage. Montesquiou, Madeleine Lemaire, Reynaldo Hahn, dont plusieurs petites partitions sont intégrées à l’édition, et Anatole France pour la préface: le volume apparaît très caractéristique de l’esthétisme mondain qui fleurit, c’est le cas de le dire, dans ces années symbolistes de la fin de siècle. Jean Lorrain, à la prose pourtant elle-même si marquée par ces années de décadentisme, ne se prive pas d’assassiner alors Les Plaisirs et les jours sous son pseudonyme habituel de Raitif de la Bretonne, une première fois dans Le Journal du 1er juillet 1896 en y joignant Montesquiou, ces «jolis petits jeunes gens en mal de littérature», puis une seconde fois avec plus de détails, le 3 février 1897. Il mentionne ainsi «l’amateurisme» de l‘écrivain et ajoute: «ce délicat volume ne serait pas un exemple-type du genre s’il n’était illustré par Mme Madeleine Lemaire». C’est d’ailleurs dans cet article que Lorrain, avec son habituelle méchanceté, se gausse de la préface d’Anatole France et en suggère une prochaine par Alphonse Daudet «qui ne pourra la refuser, ni à Mme Lemaire, ni à son fils Lucien.» L’évocation entre les lignes de la liaison de Proust avec Lucien Daudet provoque alors le fameux duel au pistolet qui oppose Lorrain et Proust, sans résultat, le 6 février 1897.

On le voit, tout un univers entoure Les Plaisirs et les jours, volume particulièrement luxueux puisqu’il est alors vendu 17,50 francs, soit trois fois le prix d’un volume normal. Il ne s’agit pourtant pas d’un ouvrage illustré de haute bibliophilie malgré son tirage réduit et il faut souligner le rendu assez médiocre des illustrations de Madeleine Lemaire par l’imprimeur dont le travail ne rend pas justice à la délicatesse des encres originales. Plus que les pleines pages consacrées à des personnages ou des sujets complets, et dont le graphisme a véritablement vieilli, les dessins à la fois ornementaux et symboliques conçus par l’artiste gardent leur charme et témoignent de vraies qualités graphiques. Si les aquarelles ou les huiles de Madeleine Lemaire nous paraissent aujourd’hui bien suaves, les encres font preuve d’une belle sûreté de main et d’une précision botanique qui n’exclut pas l’interprétation poétique. Qu’il s’agisse du houx et de la fougère, traités avec une grande simplicité, des marronniers et des trèfles, plus complexes dans leur disposition, ou encore de l’aigrette de pissenlit (taraxacum officinale) dont l’effeuillement rappelle le beau dessin créé par Eugène Grasset pour la Librairie Larousse, l’artiste livre de belles pages équilibrées et sûres.

Si l’on en juge par les fragments d’inscriptions malheureusement en partie illisibles, Madeleine Lemaire participa à la maquette du livre. La décision finale appartint toutefois à l’éditeur. Il faut ainsi remarquer que les feuilles de houx, dessinées (et signées) verticalement sont finalement reproduites horizontalement avec un déplacement de la signature. Il n’est pas toujours aisé de lier le choix des images avec le contenu du texte. Y a-t-il vraiment un rapport entre les fleurs de trèfle qui servent d’en-tête au «Coucher de soleil intérieur» ou les belles aigrettes de pissenlit avec la «Sonate au clair de lune», toutefois baptisées «chandelle» par l’auteur parce qu’un souffle les disperse comme une flamme s’éteint? Rien n’est moins sûr. Ainsi les branches de marronniers illustrent-elles la tête de chapitre «Sous-bois», alors que c’est dans le chapitre suivant, intitulé «Les Marronniers» que Proust écrit: «J’aimais surtout à m’arrêter sous les marronniers immenses quand ils étaient jaunis par l’automne» (p. 233). Il semble plutôt que les en-têtes et culs-de-lampe floraux aient été disposés en fonction de raisons plastiques et décoratives. Ainsi, lorsque Jean Lorrain écrit narquoisement: «l’ingéniosité de Mme Lemaire ne s’est jamais adaptée si étroitement à un talent d’auteur», on ne peut qu’acquiescer, sans ironie cette fois-ci…

On sait que, lorsqu’il écrira et fera publier la Recherche, Marcel Proust essayera de faire oublier ses précédents livres et en particulier Les Plaisirs et les jours, peut-être trop marqués à ces yeux par le milieu et le contexte «fin de siècle». C’est pourtant dans ce terreau unique que le chef-d’œuvre de l’écrivain prend ses racines et l’on considère aujourd’hui l’œuvre de Proust comme faisant un tout indissociable, depuis Les Plaisirs et les jours et Jean Santeuil jusqu’à Contre Sainte-Beuve et La Recherche. Madeleine Lemaire appartient bien à cet univers, autant comme peintre et avec ces charmants dessins, que comme modèle de Madame Verdurin, et cette «impératrice des roses», ainsi que l’avait baptisée Robert de Montesquiou méritait bien l’hommage d’Anatole France, qui écrit dans sa préface à propos de Proust : «Heureux livre que le sien! Il ira par la ville tout orné, tout parfumé des fleurs dont Madeleine Lemaire l’a jonché de cette main divine qui répand les roses avec leur rosée.»

Jean-David Jumeau-Lafond

Jeudi 19 mars à 20h, à la Médiathèque d'Argentan (Orne), lecture-spectacle d'après Marcel Proust, avec le Cercle Vincent Muselli, Isabelle Guiard et Gérard Torikian. Plus d'informations sur ce site.

Samedi 25 janvier à 20h, au théâtre Le Relais (76590 Le Catelier), la comédienne Séverine Batier donnera une représentation théâtrale inspirée de l'oeuvre de Marcel Proust et intitulée "Phénix".

Plus de renseignements sur ce site.

Plusieurs lauréats du Concours de pastiches proustiens 2019, ont accepté de répondre à quelques questions sur cette expérience. Rappelons que l'édition 2020 est ouverte jusqu'au 31 mars. Et que les textes de tous les finalistes  sont disponibles ici ou .

  1. Pourquoi avez-vous participé au concours de pastiches 2019 ?

Jean-Jacques Salomon (1er prix "professionnels") : Le hasard de ma vie professionnelle – mais peut-être devrais-je plutôt parler de nécessité comme me l’a un jour suggéré un psychanalyste –, le hasard ou la nécessité donc m’ayant amené à rédiger en son temps un petit livre sur la vie des secrétaires sous François Mitterrand, je me suis retrouvé, pour éviter le piège de la page blanche, à raconter le quotidien de ces femmes (car la profession comptait alors très peu d’hommes) à la façon de Proust, Balzac et Stendhal, avec un plaisir dont le souvenir, revenu aussitôt que j’ai appris le lancement du concours 2019, m’a semblé, comme un défi, me dire : « Tu arrives à marcher dix heures de suite, tu rentres toujours dans ton uniforme, mais es-tu encore capable de pasticher La Recherche ? ».

Nicolas Fréry (1er prix "amateurs") : Amateur de pastiches, j’ai appris avoir joie l’existence de ce concours, qui offrait une belle occasion de pasticher un des plus grands écrivains – et des plus grands pasticheurs – qui soient. Trop rarement mis à l’honneur, le pastiche est pourtant un incomparable exercice de critique littéraire : s’attache-on jamais autant qu’en pastichant (puis en amendant son pastiche et en en débattant avec d’autres lecteurs) à identifier ce qui fait la signature propre d’un écrivain, jusque dans des détails ténus et au-delà de l’image convenue qu’on peut en avoir ? Au terme de ce travail, intimidant (car la critique littéraire y frôle plus qu’ailleurs l’écriture personnelle) et particulièrement gratifiant, la voix d’un auteur résonne en nous de façon plus juste, plus familière et plus forte.

Maya Barreau (2e prix "professionnels") : J’ai eu connaissance de ce concours par « un enchaînement de circonstances » comme dirait Proust : on veut passer un week-end à Chartres et à Illiers-Combray et, en l’organisant, on tombe sur le site de la Société des Amis de Marcel Proust où le concours est proposé. Comme j’ai beaucoup lu La Recherche par le passé, quelque chose de sa musique, de ses motifs, m’imprégnait. Au moment où j’ai commencé à écrire mon pastiche, tout cela a émergé… avec un goût de madeleine.

Philippe Morel (2e prix "amateurs") : J'ai toujours aimé les pastiches, les lire mais aussi les écrire : entre l'hommage et l'ironie, ils permettent de saisir et de rendre l'essence d'un auteur. Presque une fonction pédagogique, au-delà de l'amusement qu'ils suscitent. Je me suis donc lancé quand j'ai eu connaissance du concours organisé par la SAMP. Pour moi c'était juste une plaisanterie de potache (notamment le calembour du titre, plus proche du Canard enchaîné que de la Recherche du temps perdu ! [Le pastiche écrit par M. Morel s'intitule : A l'ombre, les jeunes flics en pleurs]) et je ne me prenais guère au sérieux (moi, imiter Proust, vraiment ?) ; j'ai été heureux et surpris de recevoir un prix.

Gilles Lucas (3e prix "amateurs") : J'y ai participé parce que j'aime beaucoup écrire et que je pratique le pastiche depuis fort longtemps. Grâce à Marcel Proust notamment dont la lecture de Pastiches et Mélanges m'a enthousiasmé et encouragé à écrire des pastiches. C'est pour moi un jeu littéraire particulièrement créatif et passionnant. Ainsi, il m'est arrivé d'"imiter" (ou de tenter d'"imiter") beaucoup d'auteurs que j'apprécie tels que Flaubert, Stendhal, Zola, Céline ...  Boileau, Molière ... Quand j'ai appris que la Société des Amis de Marcel Proust organisait un concours de pastiche, je n'ai pas hésité. 

  1. Quels conseils donneriez-vous à une personne qui hésiterait à se lancer dans l'édition 2020 de ce même concours ?

Jean-Jacques Salomon : Pour moi, il n’y a pas un, mais des styles proustiens. En revanche, il n’y a bien qu’un homme, à l’esprit récursif et au jugement social malicieux. A celui qui hésite, je dirais qu’il doit se demander non s’il saura écrire à la manière de Proust, mais s’il se sent capable de penser comme lui. Dans ce cas et s’il y trouve du charme, il devrait se lancer. Les mots pour le dire arriveront aisément.

Maya Barreau : Se confronter à un génie littéraire est intimidant, mais un peu d’humour et d’humilité lèvera ce frein. Chez Proust, la société, l’amour, les paysages, l’art… sont autant de sujets d’inspiration. Si, sur un de ces sujets, on arrive à faire sourire, à émouvoir, à enthousiasmer les amoureux de cet immense écrivain, le pari est gagné – au moins auprès des lecteurs !

Philippe Morel : D'abord de trouver l'idée, l'angle d'attaque qui restera proche de l'univers proustien. On peut chercher longtemps, suivre des pistes infructueuses avant de trouver son pavé de Guermantes. ​Ecrire le premier jet et le retravailler, bien sûr, comme le disait Boileau : "Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, ​Polissez-le sans cesse et le repolissez." Il ya le style, évidemment. On peut s'inspirer d'une réflexion de Jean-Yves Tadié pour qui la phrase proustienne doit être "structurée, comporter des images poétiques, des éléments comiques et des éléments de connaissance. Y parvenir n'est pas aisé."

Gilles Lucas : Pas d'hésitation ! Si vous aimez Proust et avez le goût de l'imitation, allez-y ! Se glisser dans le style d'un écrivain aussi renommé, quel plaisir !

  1. Qu'est-ce qui vous a paru le plus difficile dans cet exercice de pastiche proustien ?

Jean-Jacques Salomon : Quand on se lance dans le pastiche proustien, on court le risque de faire la part trop belle à l’inflation des mots. Comment conserver les allers-retours de la pensée qui fondent le genre proustien sans tomber dans la caricature ? La plus grande difficulté a été pour moi d’éviter ce risque tout en sacrifiant aux exercices obligatoires que sont la phrase longue, l’abondance métaphorique et la liberté de ponctuation. La question du dosage, en somme ! 

Nicolas Fréry : Je crois qu’une difficulté majeure qui se présente au pasticheur est d’écrire un texte qui réunisse nombre de procédés emblématiques du style d’un écrivain sans pour autant en être excessivement saturé. D’abord parce que le pastiche, dès lors qu’il n’aspire pas à être une parodie, doit se garder de verser dans la caricature (tout juste peut-il être un miroir grossissant), ensuite parce qu’il ne s’agit pas de constituer mécaniquement un répertoire de particularités stylistiques, mais de tenter de se mouler dans l’univers d’un écrivain. Il en résulte que le pastiche, bien qu’il repose avant tout sur l’imitation du rythme, des tournures, des choix lexicaux, n’est pas un pur exercice de forme : il faut aussi – chose épineuse – avoir l’intuition d’un sujet dont l’auteur aurait pu traiter, et qui soit en harmonie avec les ressources stylistiques déployées. Il n’est pas simple, à cet égard, de développer ce sujet dans un texte qui, malgré sa brièveté, soit doué d’une cohérence interne (alors que l’auteur pastiché ne construit pas nécessairement son œuvre à partir de courtes unités textuelles). Le pastiche, en somme, repose sur un principe de condensation : condensation des traits stylistiques – évitant la saturation – et, bien souvent, condensation de l’anecdote, pour composer un bref texte qui vaille comme un échantillon représentatif tout en ayant un intérêt autonome (car s’il n’en avait pas, pourrait-il donner l’illusion d’être de la plume d’un grand auteur ?).

Maya Barreau : Je parlerais plus de défi que de réelle difficulté. A propos du pastiche, Marcel Proust – pasticheur lui-même – parle de « critique en action ». Le défi, c’est de trouver un équilibre entre empathie et critique. Laisser résonner Proust en soi, et en même temps comprendre certains mécanismes de sa pensée et de son style. A partir de là, on peut écrire une petite histoire originale qui sonnera juste. Sans oublier une note d’humour.

Philippe Morel : Trouver un thème, une idée. J'ai finalement, et presque fortuitement, fait le rapprochement avec un événement politique de l'année 2018 ; dès lors le titre coulait presque de source et commandait la suite.Je ne sais pas très bien comment cette mayonnaise a pris, l'inspiration aurait pu venir de n'importe où ! Ensuite la rédaction : rester proche de l'auteur, de son univers (événements, personnages,...), de son style, en évitant de copier trop platement tout en restant original. Une sorte de quadrature du cercle.

Gilles Lucas : Trouver un sujet intéressant avec un angle original. Dans mon cas, j'ai fait le choix d'une mise en abyme. Ne pas proposer qu'un simple décalque des épisodes les plus célèbres de la Recherche. Pour ce qui est du ton adopté, je l'ai voulu résolument humoristique. En outre, je me suis demandé s'il fallait situer l'histoire à l'époque de Proust ou aujourd'hui. J'ai choisi notre époque. Au cours de l'écriture proprement dite, composer des phrases longues, par exemple, n'a pas été un exercice aisé.  Grammaticalement parlant, il fallait produire quelque chose de correct.

Le château de Versailles présente, jusqu'au 15 mars, une exposition intitulée "Versailles Revival". Elle traite de l'engouement des artistes et des écrivains pour le château, entre 1867 et 1937. Une section est consacrée à Marcel Proust, avec notamment le tableau du parc du château que le peintre Paul-César Helleu offrit à son ami écrivain (et le portrait de Proust par Jacques-Emile Blanche, qui était il y a peu à la Maison de Tante Léonie !).

http://www.chateauversailles.fr/actualites/expositions/versailles-revival-1867-1937#exposition

ProustHelleuVersailles

Les amis de Proust ont visité cette exposition le samedi 7 mars avec Lionel Arsac, conservateur au département des sculptures, auteur des pages consacrées à Proust dans le catalogue de l'exposition.

Voici le compte-rendu de cette visite, rédigé par Mme Brigitte Albert-Jacouty, adhérente de l'association :

 

Samedi 7 mars 2020, vingt-six « Amis de Proust » réunis à Versailles à l'invitation du président Jérôme Bastianelli ont parcouru l'exposition Versailles revival... dans l'espoir d'y retrouver le Versailles de Marcel Proust. Ils furent comblés !

Après un déjeuner à la Brasserie du Théâtre, qui se passa "à en parler", la journée commença vraiment devant le numéro 7 de la rue des Réservoirs : Lionel Arsac, conservateur au château, guide pour la circonstance, rappela que l'hôtel dit  "de la Pompadour" était devenu au XIXème siècle le fameux "Hôtel des Réservoirs", établissement hôtelier de prestige, donnant directement sur le parc du château, où Marcel Proust séjourna par deux fois : quelques mois en 1906, affligé par le deuil de sa mère, et en 1909, plus brièvement, tandis que se dessinait le projet d'écriture d'où naîtra la Recherche.

Au sein du château, l'exposition regroupant 350 pièces rarement réunies se proposait de montrer la re-naissance ("revival" !) de Versailles, de 1863 à 1937 : du Second Empire à la Belle Epoque, et au-delà, combien le château et son parc ont suscité curiosité et engouement, mais aussi la nostalgie des fastes rêvés de l'Ancien Régime !

C'est avec le Second Empire - et en particulier grâce à la sympathie de l'impératrice Eugénie pour la reine Marie-Antoinette - que s'amorcent "les prémices d'un renouveau", tant au plan politique qu'artistique, sous l'influence de conservateurs tels qu'Eudoxe Soulier et surtout du fin lettré, "érudit et poète de Versailles" Pierre de Nolhac, en poste de 1890 à 1920, que ses amis Robert de Montesquiou et Reynaldo Hahn présentèrent à Marcel Proust.

Outre la fascination qu'exerce alors Versailles sur les arts décoratifs, la force symbolique de ce palais de pouvoir se manifeste par des visites diplomatiques fastueuses comme celle de la reine Victoria en 1855, immortalisée par les aquarelles d'Eugène Lami ou du décorateur franco-russe Alexandre Benois, ami de Diaghilev. Toujours dans le domaine politique, l'exposition reflète aussi les conflits solennellement  clos dans la Galerie des Glaces : guerre franco-prussienne de 1870 où triomphe Bismarck, en un tableau monumental, et Grande Guerre, conclue fin juin 1919 par la signature du Traité. Entre 1871 et 1879, la Chambre des députés puis le Sénat, donc la République, investissent l'Opéra royal puis l'Aile du Midi. Plans et tableaux relatent cette installation.

Quid des jardins fort dégradés? Se pose alors la question de les "redessiner", charge confiée à Questel et Lambert, partagés entre remodeler ou accepter l'œuvre du temps. La Société des Amis de Versailles, créée à cet effet en 1907, est présidée non par Robert de Montesquiou, auteur pourtant des "Salles vertes", mais par Victorien Sardou.

Très attendue des proustiens, la salle joliment nommée "Le jardin des poètes" s'ouvre par une interprétation fort libre d'une "Colonnade à Versailles" par Giovanni Boldini, portraitiste mondain. En lien avec le Faubourg Saint Germain, Versailles fait figure de "Salon littéraire" où paraissent le portrait de Montesquiou en gris, par le même Boldini, face à celui de son ami Gabriel d'Yturri, aux côtés de la représentation bien connue de Marcel Proust par Jacques-Emile Blanche. La salle suivante, "Automne versaillais", est placée sous l'égide des Plaisirs et les Jours : "Versailles, grand nom rouillé et doux, royal cimetière de feuillages, de vastes eaux et de marbres", écho du célèbre tableau offert à Marcel Proust par Paul-César Helleu dans l'esprit des lieux, avec ses feuillages rougis, ses bassins, ses statues, autant de "liens entre le monde de Marie-Antoinette et Louis XIV ", plaçant au premier plan une dame élégante et claire, "villégiaturant ".

L'exposition se referme sur les influences, parfois étonnantes, de l'image de Versailles : Palais Rose de Boni de Castellane, reproduisant Trianon à Paris, sur l'Avenue du Bois que fréquentait Odette..., châteaux de Louis II de Bavière - le "Louis XV" Linderhof, le" Louis XIV "Herrenchiensee - la Marble house d'Alva Vanderbilt à Newport, jusqu'au paquebot "France", "Versailles des mers"...

Figures mondaines et mécènes comme Robert de Montesquiou que la "vasque rose" de Versailles accompagna dans toutes ses demeures ou la comtesse Greffulhe, musiciens, comme Reynaldo Hahn, écrivains, tels Henri de Régnier ou l'auteur des "Perles rouges", hommage ému à Marie-Antoinette, et bien sûr, Marcel Proust, peuplent cette "re-création" d'un Versailles idéalisé, parfois mélancolique, parfois éclatant de fêtes fastueuses, jaillissantes comme ses fontaines, certes plus fantasmé que réel ...

Analepses, imagination et mémoire : comment ne pas être comblé par ce fragment de "temps retrouvé" ?

Merci à Lionel Arsac et Jérôme Bastianelli.

Brigitte Albert-Jacouty

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A l'occasion de la "Nuit de la lecture" organisée par le Ministère de la Culture, plusieurs événements proustiens sont prévus dans toute la France :

https://nuitdelalecture.culture.gouv.fr/Programme#/search?query=proust@47.187188508519796,3.0854194060820817,6.029676085572353

 

Mercredi 26 février, dans la salle des fêtes de la Mairie du XIe arrondissement de Paris, est organisé un symposium intitulé : De la belle époque aux années folles, Arts, littérature et genres sexuels au temps de Marcel Proust et André Gide.

En voici le programme :

9 :15 Accueil des participants et présentation par Perrine PONTIE et Christophe HENRY

MATINEE – DES SECRETS DE L’INTIMITE A L’EXPLORATION DU DESIR Présentation : Delphine DESVEAUX (Collections Roger-Viollet, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris)

9h45 Perrine PONTIE (Université d'Aix-Marseille) « Eros dévoilé: L'écriture masculine du désir dans la première moitié du XXe siècle »

10h15 Manon SECQ (Université du Havre et ESADHaR) « Sade mon prochain de Pierre Klossowski (1949), ou comment réhabiliter Sade ? »

11h Pause

CONFERENCE DE CLOTURE DE MATINEE

Présentation : Martine DEBIEUVRE (Première adjointe au maire du 11 chargée de la culture et de la mémoire)

11h15 Luc FRAISSE (Université de Strasbourg et Institut universitaire de France) « Proust et l’idolâtrie : du fétichisme à l’esthétique »

12h15 Débat de clôture de matinée

12h30 Pause méridienne

APRES-MIDI – GENESE D’UNE PENSEE DU CORPS : LA MODE, LE GENRE ET LE MODELE

Présentation : Joëlle ALAZARD (Professeur de chaire supérieure, Lille, Lycée Faidherbe)

14h15 Delphine DESVEAUX (Collections Roger-Viollet, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris) « Proust, les proustiens et les vêtements Fortuny : une évocation des contraintes et autres turpitudes »

15h Helline LOISEAU (Lille, lycée Faidherbe) « Identités sexuelles et de genre à travers Jésus-la-Caille de Francis Carco»

16h Pause

16h15 Louise BACAUD (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) « Le corps de la femme selon Gide »

CONFERENCE DE CLOTURE DE JOURNEE

Présentation : Cécilie CHAMPY-VINAS (Conservateur du patrimoine, Petit Palais, musée des Beaux-arts de la ville de Paris)

17h15 Philippe THIEBAUT (Conservateur général honoraire du patrimoine) « La littérature, l'art et le genre : le comte Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921) modèle littéraire »

18h Débat de clôture de journée

Plus de renseignements sur ce site.

Lundi 30 mars à 16h, à l'invitation d'Antoine Compagnon, Kazuyoshi Yoshikawa, traducteur de Proust en japonais, donnera au Collège de France une conférence intitulée : "Proust juif et homosexuel"

Plus de renseignements sur ce site.

Lundi 23 mars à 16h, à l'invitation d'Antoine Compagnon, Kazuyoshi Yoshikawa, traducteur de Proust en japonais, donnera une conférence intitulée : "Proust juif et homosexuel"

Plus de renseignements sur ce site.

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