L'exposition Nadar à la BnF Mitterrand : et Proust ?
- Jean-Christophe Antoine
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il y a 6 ans 2 mois - il y a 6 ans 1 mois #1
par Jean-Christophe Antoine
L'exposition Nadar à la BnF Mitterrand : et Proust ? a été créé par Jean-Christophe Antoine
La Bibliothèque Nationale de France expose actuellement sur son site principal la famille de photographes Nadar :
expositions.bnf.fr/les-nadar/
. Malheureusement aucun des portraits connus de Proust ou de sa famille n'est présent ni mentionné, alors que les liens entre Nadar et notre écrivain sont
nombreux : un livre leur a même été consacré, voir www.editions-du-patrimoine.fr/Librairie/...-Paul-Nadar-francais . Nous pouvons néanmoins parcourir avec plaisir un bout de cette exposition avec une imagination et des réminiscences proustiennes tirées de La Recherche, ce que je vous propose de faire avec moi.
Remarquons tout d'abord que l'écrivain, par la bouche de la grand-mère, ne semble pas tenir la photographie en haute estime artistique : "Elle eût aimé que j'eusse dans ma chambre des photographies des monuments ou des paysages les plus beaux. Mais au moment d'en faire l'emplette, et bien que la chose représentée eût une valeur esthétique, elle trouvait que la vulgarité, l'utilité reprenaient trop vite leur place dans le mode mécanique de représentation, la photographie. Elle essayait de ruser et, sinon d'éliminer entièrement la banalité commerciale, du moins de la réduire, d'y substituer, pour la plus grande partie, de l'art encore, d'y introduire comme plusieurs « épaisseurs » d'art : au lieu de photographies de la Cathédrale de Chartres, des Grandes Eaux de Saint-Cloud, du Vésuve, elle se renseignait auprès de Swann si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et préférait me donner des photographies de la Cathédrale de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré d'art de plus. Mais si le photographe avait été écarté de la représentation du chef-d'œuvre ou de la nature et remplacé par un grand artiste, il reprenait ses droits pour reproduire cette interprétation même." "Mais le dégager pour les artistes seulement, à l’égard desquels il eût pu jouer le rôle du renne envers les Esquimaux ; ce précieux animal arrache pour eux, sur des roches désertiques, des lichens, des mousses qu’ils ne sauraient ni découvrir, ni utiliser, mais qui, une fois digérés par le renne, deviennent pour les habitants de l’extrême Nord un aliment assimilable." "mais il n'avait jamais voulu me montrer sa photographie, me disant : « D'abord ce n'est pas une beauté et puis elle vient mal en photographie, ce sont des instantanés que j'ai faits moi-même avec mon Kodak et ils vous donneraient une fausse idée d'elle »" « C'était qu'il était encore à l'âge des croyances, mais je l'avais dépassé, et j'avais perdu ce privilège, comme après la première jeunesse on perd le pouvoir qu'ont les enfants de dissocier en fractions digérables le lait qu'ils ingèrent, ce qui force les adultes à prendre, pour plus de prudence, le lait par petites quantités, tandis que les enfants peuvent le téter indéfiniment sans reprendre haleine. » "– Ce n'est pas de la salade japonaise ? dit-elle à mi-voix en se tournant vers Odette.
Et ravie et confuse de l'à-propos et de la hardiesse qu'il y avait à faire ainsi une allusion discrète, mais claire, à la nouvelle et retentissante pièce de Dumas, elle éclata d'un rire charmant d'ingénue, peu bruyant, mais si irrésistible qu'elle resta quelques instants sans pouvoir le maîtriser. « Qui est cette dame ? elle a de l'esprit », dit Forcheville.
– Non, mais nous vous en ferons si vous venez tous dîner vendredi." "Il venait aussi ici, il déjeunait même ici, ajouta M. de Guermantes par ostentation de modestie et scrupule d'exactitude. Vous vous rappelez, Oriane. Quel brave homme que votre père ! Comme on sentait qu'il devait être d'une famille honnête ! Du reste j'ai aperçu autrefois son père et sa mère. Eux et lui, quelles bonnes gens ! »" "Et il est permis de préférer un sentier à mi-côte, qui mène à la cure de Meudon ou à l'Ermitage de Ferney, à égale distance de la Vallée-aux-Loups où René remplissait superbement les devoirs d'un pontificat sans mansuétude, et les Jardies où Honoré de Balzac, harcelé par les recors, ne s'arrêtait pas de cacographier pour une Polonaise, en apôtre zélé du charabia. – Chateaubriand est beaucoup plus… vivant que vous ne dites, et Balzac est tout de même un grand écrivain, répondit M. de Charlus, encore trop imprégné du goût de Swann pour ne pas être irrité par Brichot, et Balzac a connu jusqu'à ces passions que tout le monde ignore, ou n'étudie que pour les flétrir. Sans reparler des immortelles Illusions Perdues, Sarrazine, la Fille aux yeux d'or, Une passion dans le désert, même l'assez énigmatique Fausse Maîtresse, viennent à l'appui de mon dire. Quand je parlais de ce côté « hors de nature » de Balzac à Swann, il me disait : « Vous êtes du même avis que Taine. » Je n'avais pas l'honneur de connaître M. Taine, ajouta M. de Charlus (avec cette irritante habitude du « Monsieur » inutile qu'ont les gens du monde, comme s'ils croyaient, en taxant de Monsieur un grand écrivain, lui décerner un honneur, peut-être garder les distances, et bien faire savoir qu'ils ne le connaissent pas), je ne connaissais pas M. Taine, mais je me tenais pour fort honoré d'être du même avis que lui. » D'ailleurs, malgré ces habitudes mondaines ridicules, M. de Charlus était très intelligent, et il est probable que si quelque mariage ancien avait noué une parenté entre sa famille et celle de Balzac, il eût ressenti (non moins que Balzac d'ailleurs) une satisfaction dont il n'eût pu cependant s'empêcher de se targuer comme d'une marque de condescendance admirable."
Vous pensez que Gustave Doré est d'une génération trop ancienne, a développé un style trop romantique, "Napoléon III" petit bourgeois pour mériter un lien avec Marcel Proust ? Vous avez tort, car Patrice Louis sur son mythique site "Le Fou de Proust", a trouvé la connexion ; voir sur lefoudeproust.fr/2018/01/une-fete-pour-les-inondes-de-paris/ "Quel que fût l'aveuglement de Mme Verdurin à son égard, elle avait fini, tout en continuant à le trouver très fin, par être agacée de voir que quand elle l'invitait dans une avant-scène à entendre Sarah Bernhardt, lui disant, pour plus de grâce : « Vous êtes trop aimable d'être venu, docteur, d'autant plus que je suis sûre que vous avez déjà souvent entendu Sarah Bernhardt, et puis nous sommes peut-être trop près de la scène », le docteur qui était entré dans la loge avec un sourire qui attendait pour se préciser ou pour disparaître que quelqu'un d'autorisé le renseignât sur la valeur du spectacle, lui répondait : « En effet on est beaucoup trop près et on commence à être fatigué de Sarah Bernhardt. Mais vous m'avez exprimé le désir que je vienne. Pour moi vos désirs sont des ordres. Je suis trop heureux de vous rendre ce petit service. Que ne ferait-on pas pour vous être agréable, vous êtes si bonne ! » Et il ajoutait : « Sarah Bernhardt, c'est bien la Voix d'Or, n'est-ce pas ? On écrit souvent aussi qu'elle brûle les planches. C'est une expression bizarre, n'est-ce pas ? » dans l'espoir de commentaires qui ne venaient point." Marcel Proust a commis un pastiche de Caran d'Ache ! Voir en effet www.artcurial.com/fr/lot-proust-marcel-a...eus-michelin-2129-98 Pensez-vous qu'il s'agit du même Prince de Galles qu'évoque Proust ici : "– Je le connais un peu, nous avons des amis communs (il n'osa pas dire que c'était le prince de Galles), du reste il invite très facilement et je vous assure que ces déjeuners n'ont rien d'amusant, ils sont d'ailleurs très simples, on n'est jamais plus de huit à table, répondit Swann qui tâchait d'effacer ce que semblaient avoir de trop éclatant, aux yeux de son interlocuteur, des relations avec le Président de la République." ? "Mais pour cela, et pour bien d'autres choses, il aurait fallu causer. Or je trouve que tant que je suis susceptible de vous réaimer, ce qui ne durera plus longtemps, il serait fou, pour un bateau à voiles et une Rolls Royce, de nous voir et de jouer le bonheur de votre vie puisque vous estimez qu'il est de vivre loin de moi. Non, je préfère garder la Rolls et même le yacht. Et comme je ne me servirai pas d'eux et qu'ils ont chance de rester toujours, l'un au port, désarmé, l'autre à l'écurie, je ferai graver sur le... (mon Dieu, je n'ose pas mettre un nom de pièce inexact et commettre une hérésie qui vous choquerait) du yacht ces vers de Mallarmé que vous aimiez :
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
» Vous vous rappelez – c'est le poème qui commence par : Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui... Hélas, « aujourd'hui » n'est plus ni vierge, ni beau. Mais ceux qui comme moi savent qu'ils en feront bien vite un « demain » supportable ne sont guère supportables. Quant à la Rolls, elle eût mérité plutôt ces autres vers du même poète que vous disiez ne pouvoir comprendre :
Dis si je ne suis pas joyeux
Tonnerre et rubis aux moyeux
De voir en l'air que ce feu troue
Avec des royaumes épars
Comme mourir pourpre la roue
Du seul vespéral de mes chars.
» Adieu pour toujours, ma petite Albertine, et merci encore de la bonne promenade que nous fîmes ensemble la veille de notre séparation. J'en garde un bien bon souvenir. » "
"Sur la table, il y avait la même assiette de massepains que d'habitude ; mon oncle avait sa vareuse de tous les jours, mais en face de lui, en robe de soie rose avec un grand collier de perles au cou, était assise une jeune femme qui achevait de manger une mandarine. L'incertitude où j'étais s'il fallait dire madame ou mademoiselle me fit rougir et, n'osant pas trop tourner les yeux de son côté de peur d'avoir à lui parler, j'allai embrasser mon oncle. Elle me regardait en souriant, mon oncle lui dit : « Mon neveu », sans lui dire mon nom, ni me dire le sien, sans doute parce que, depuis les difficultés qu'il avait eues avec mon grand-père, il tâchait autant que possible d'éviter tout trait d'union entre sa famille et ce genre de relations."
Petite question proustienne pour vous : quel est la relation entre l'extrait ci-dessus et l'affiche de Liane de Pougy ? "Le peintre avait entendu dire que Vinteuil était menacé d'aliénation mentale. Et il assurait qu'on pouvait s'en apercevoir à certains passages de sa sonate. Swann ne trouva pas cette remarque absurde, mais elle le troubla ; car une œuvre de musique pure ne contenant aucun des rapports logiques dont l'altération dans le langage dénonce la folie, la folie reconnue dans une sonate lui paraissait quelque chose d'aussi mystérieux que la folie d'une chienne, la folie d'un cheval, qui pourtant s'observent en effet."
"Mme Swann en effet, qui tenait le renseignement de Mme Bontemps, était en train de dire à la princesse que le gouvernement, comprenant enfin sa goujaterie, avait décidé de lui envoyer une invitation pour assister dans les tribunes à la visite que le tsar Nicolas devait faire le surlendemain aux Invalides. Mais la princesse qui, malgré les apparences, malgré le genre de son entourage composé surtout d'artistes et d'hommes de lettres, était restée au fond, et chaque fois qu'elle avait à agir, nièce de Napoléon : « Oui, Madame, je l'ai reçue ce matin et je l'ai renvoyée au ministre qui doit l'avoir à l'heure qu'il est. Je lui ai dit que je n'avais pas besoin d'invitation pour aller aux Invalides. Si le gouvernement désire que j'y aille, ce ne sera pas dans une tribune, mais dans notre caveau, où est le tombeau de l'Empereur. Je n'ai pas besoin de carte pour cela. J'ai mes clefs. J'entre comme je veux. Le gouvernement n'a qu'à me faire savoir s'il désire que je vienne ou non. Mais si j'y vais, ce sera là ou pas du tout. »" "Plongés dans cet élément nouveau, les habitués de Jupien croyaient avoir voyagé, être venus assister à un phénomène naturel, comme un mascaret ou comme une éclipse, et goûtant au lieu d'un plaisir tout préparé et sédentaire celui d'une rencontre fortuite dans l'inconnu, célébraient, aux grondements volcaniques des bombes, comme dans un mauvais lieu pompéien, des rites secrets dans les ténèbres des catacombes." Et pour la fin, vous avez droit plus bas à une vue d'aérostat des lieux de vie parisienne des Guermantes, tels qu'ils ont été parcourus en voiture hippomobile dans ce passage : "Mme de Guermantes s'avança décidément vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. « Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure », et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s'écria d'une voix terrible : « Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges. »
– Mais, mon ami, répondit doucement la duchesse, gênée de voir que Swann, qui sortait avec moi mais avait voulu laisser passer la voiture devant nous, avait entendu... puisque nous sommes en retard...
– Mais non, nous avons tout le temps. Il n'est que moins dix, nous ne mettrons pas dix minutes pour aller au parc Monceau. Et puis enfin, qu'est-ce que vous voulez, il serait huit heures et demie, ils patienteront, vous ne pouvez pourtant pas aller avec une robe rouge et des souliers noirs. D'ailleurs nous ne serons pas les derniers, allez, il y a les Sassenage, vous savez qu'ils n'arrivent jamais avant neuf heures moins vingt. La duchesse remonta dans sa chambre. « Hein, nous dit M. de Guermantes, les pauvres maris, on se moque bien d'eux, mais ils ont du bon tout de même. Sans moi, Oriane allait dîner en souliers noirs. » "
nombreux : un livre leur a même été consacré, voir www.editions-du-patrimoine.fr/Librairie/...-Paul-Nadar-francais . Nous pouvons néanmoins parcourir avec plaisir un bout de cette exposition avec une imagination et des réminiscences proustiennes tirées de La Recherche, ce que je vous propose de faire avec moi.
Remarquons tout d'abord que l'écrivain, par la bouche de la grand-mère, ne semble pas tenir la photographie en haute estime artistique : "Elle eût aimé que j'eusse dans ma chambre des photographies des monuments ou des paysages les plus beaux. Mais au moment d'en faire l'emplette, et bien que la chose représentée eût une valeur esthétique, elle trouvait que la vulgarité, l'utilité reprenaient trop vite leur place dans le mode mécanique de représentation, la photographie. Elle essayait de ruser et, sinon d'éliminer entièrement la banalité commerciale, du moins de la réduire, d'y substituer, pour la plus grande partie, de l'art encore, d'y introduire comme plusieurs « épaisseurs » d'art : au lieu de photographies de la Cathédrale de Chartres, des Grandes Eaux de Saint-Cloud, du Vésuve, elle se renseignait auprès de Swann si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et préférait me donner des photographies de la Cathédrale de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré d'art de plus. Mais si le photographe avait été écarté de la représentation du chef-d'œuvre ou de la nature et remplacé par un grand artiste, il reprenait ses droits pour reproduire cette interprétation même." "Mais le dégager pour les artistes seulement, à l’égard desquels il eût pu jouer le rôle du renne envers les Esquimaux ; ce précieux animal arrache pour eux, sur des roches désertiques, des lichens, des mousses qu’ils ne sauraient ni découvrir, ni utiliser, mais qui, une fois digérés par le renne, deviennent pour les habitants de l’extrême Nord un aliment assimilable." "mais il n'avait jamais voulu me montrer sa photographie, me disant : « D'abord ce n'est pas une beauté et puis elle vient mal en photographie, ce sont des instantanés que j'ai faits moi-même avec mon Kodak et ils vous donneraient une fausse idée d'elle »" « C'était qu'il était encore à l'âge des croyances, mais je l'avais dépassé, et j'avais perdu ce privilège, comme après la première jeunesse on perd le pouvoir qu'ont les enfants de dissocier en fractions digérables le lait qu'ils ingèrent, ce qui force les adultes à prendre, pour plus de prudence, le lait par petites quantités, tandis que les enfants peuvent le téter indéfiniment sans reprendre haleine. » "– Ce n'est pas de la salade japonaise ? dit-elle à mi-voix en se tournant vers Odette.
Et ravie et confuse de l'à-propos et de la hardiesse qu'il y avait à faire ainsi une allusion discrète, mais claire, à la nouvelle et retentissante pièce de Dumas, elle éclata d'un rire charmant d'ingénue, peu bruyant, mais si irrésistible qu'elle resta quelques instants sans pouvoir le maîtriser. « Qui est cette dame ? elle a de l'esprit », dit Forcheville.
– Non, mais nous vous en ferons si vous venez tous dîner vendredi." "Il venait aussi ici, il déjeunait même ici, ajouta M. de Guermantes par ostentation de modestie et scrupule d'exactitude. Vous vous rappelez, Oriane. Quel brave homme que votre père ! Comme on sentait qu'il devait être d'une famille honnête ! Du reste j'ai aperçu autrefois son père et sa mère. Eux et lui, quelles bonnes gens ! »" "Et il est permis de préférer un sentier à mi-côte, qui mène à la cure de Meudon ou à l'Ermitage de Ferney, à égale distance de la Vallée-aux-Loups où René remplissait superbement les devoirs d'un pontificat sans mansuétude, et les Jardies où Honoré de Balzac, harcelé par les recors, ne s'arrêtait pas de cacographier pour une Polonaise, en apôtre zélé du charabia. – Chateaubriand est beaucoup plus… vivant que vous ne dites, et Balzac est tout de même un grand écrivain, répondit M. de Charlus, encore trop imprégné du goût de Swann pour ne pas être irrité par Brichot, et Balzac a connu jusqu'à ces passions que tout le monde ignore, ou n'étudie que pour les flétrir. Sans reparler des immortelles Illusions Perdues, Sarrazine, la Fille aux yeux d'or, Une passion dans le désert, même l'assez énigmatique Fausse Maîtresse, viennent à l'appui de mon dire. Quand je parlais de ce côté « hors de nature » de Balzac à Swann, il me disait : « Vous êtes du même avis que Taine. » Je n'avais pas l'honneur de connaître M. Taine, ajouta M. de Charlus (avec cette irritante habitude du « Monsieur » inutile qu'ont les gens du monde, comme s'ils croyaient, en taxant de Monsieur un grand écrivain, lui décerner un honneur, peut-être garder les distances, et bien faire savoir qu'ils ne le connaissent pas), je ne connaissais pas M. Taine, mais je me tenais pour fort honoré d'être du même avis que lui. » D'ailleurs, malgré ces habitudes mondaines ridicules, M. de Charlus était très intelligent, et il est probable que si quelque mariage ancien avait noué une parenté entre sa famille et celle de Balzac, il eût ressenti (non moins que Balzac d'ailleurs) une satisfaction dont il n'eût pu cependant s'empêcher de se targuer comme d'une marque de condescendance admirable."
Vous pensez que Gustave Doré est d'une génération trop ancienne, a développé un style trop romantique, "Napoléon III" petit bourgeois pour mériter un lien avec Marcel Proust ? Vous avez tort, car Patrice Louis sur son mythique site "Le Fou de Proust", a trouvé la connexion ; voir sur lefoudeproust.fr/2018/01/une-fete-pour-les-inondes-de-paris/ "Quel que fût l'aveuglement de Mme Verdurin à son égard, elle avait fini, tout en continuant à le trouver très fin, par être agacée de voir que quand elle l'invitait dans une avant-scène à entendre Sarah Bernhardt, lui disant, pour plus de grâce : « Vous êtes trop aimable d'être venu, docteur, d'autant plus que je suis sûre que vous avez déjà souvent entendu Sarah Bernhardt, et puis nous sommes peut-être trop près de la scène », le docteur qui était entré dans la loge avec un sourire qui attendait pour se préciser ou pour disparaître que quelqu'un d'autorisé le renseignât sur la valeur du spectacle, lui répondait : « En effet on est beaucoup trop près et on commence à être fatigué de Sarah Bernhardt. Mais vous m'avez exprimé le désir que je vienne. Pour moi vos désirs sont des ordres. Je suis trop heureux de vous rendre ce petit service. Que ne ferait-on pas pour vous être agréable, vous êtes si bonne ! » Et il ajoutait : « Sarah Bernhardt, c'est bien la Voix d'Or, n'est-ce pas ? On écrit souvent aussi qu'elle brûle les planches. C'est une expression bizarre, n'est-ce pas ? » dans l'espoir de commentaires qui ne venaient point." Marcel Proust a commis un pastiche de Caran d'Ache ! Voir en effet www.artcurial.com/fr/lot-proust-marcel-a...eus-michelin-2129-98 Pensez-vous qu'il s'agit du même Prince de Galles qu'évoque Proust ici : "– Je le connais un peu, nous avons des amis communs (il n'osa pas dire que c'était le prince de Galles), du reste il invite très facilement et je vous assure que ces déjeuners n'ont rien d'amusant, ils sont d'ailleurs très simples, on n'est jamais plus de huit à table, répondit Swann qui tâchait d'effacer ce que semblaient avoir de trop éclatant, aux yeux de son interlocuteur, des relations avec le Président de la République." ? "Mais pour cela, et pour bien d'autres choses, il aurait fallu causer. Or je trouve que tant que je suis susceptible de vous réaimer, ce qui ne durera plus longtemps, il serait fou, pour un bateau à voiles et une Rolls Royce, de nous voir et de jouer le bonheur de votre vie puisque vous estimez qu'il est de vivre loin de moi. Non, je préfère garder la Rolls et même le yacht. Et comme je ne me servirai pas d'eux et qu'ils ont chance de rester toujours, l'un au port, désarmé, l'autre à l'écurie, je ferai graver sur le... (mon Dieu, je n'ose pas mettre un nom de pièce inexact et commettre une hérésie qui vous choquerait) du yacht ces vers de Mallarmé que vous aimiez :
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
» Vous vous rappelez – c'est le poème qui commence par : Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui... Hélas, « aujourd'hui » n'est plus ni vierge, ni beau. Mais ceux qui comme moi savent qu'ils en feront bien vite un « demain » supportable ne sont guère supportables. Quant à la Rolls, elle eût mérité plutôt ces autres vers du même poète que vous disiez ne pouvoir comprendre :
Dis si je ne suis pas joyeux
Tonnerre et rubis aux moyeux
De voir en l'air que ce feu troue
Avec des royaumes épars
Comme mourir pourpre la roue
Du seul vespéral de mes chars.
» Adieu pour toujours, ma petite Albertine, et merci encore de la bonne promenade que nous fîmes ensemble la veille de notre séparation. J'en garde un bien bon souvenir. » "
"Sur la table, il y avait la même assiette de massepains que d'habitude ; mon oncle avait sa vareuse de tous les jours, mais en face de lui, en robe de soie rose avec un grand collier de perles au cou, était assise une jeune femme qui achevait de manger une mandarine. L'incertitude où j'étais s'il fallait dire madame ou mademoiselle me fit rougir et, n'osant pas trop tourner les yeux de son côté de peur d'avoir à lui parler, j'allai embrasser mon oncle. Elle me regardait en souriant, mon oncle lui dit : « Mon neveu », sans lui dire mon nom, ni me dire le sien, sans doute parce que, depuis les difficultés qu'il avait eues avec mon grand-père, il tâchait autant que possible d'éviter tout trait d'union entre sa famille et ce genre de relations."
Petite question proustienne pour vous : quel est la relation entre l'extrait ci-dessus et l'affiche de Liane de Pougy ? "Le peintre avait entendu dire que Vinteuil était menacé d'aliénation mentale. Et il assurait qu'on pouvait s'en apercevoir à certains passages de sa sonate. Swann ne trouva pas cette remarque absurde, mais elle le troubla ; car une œuvre de musique pure ne contenant aucun des rapports logiques dont l'altération dans le langage dénonce la folie, la folie reconnue dans une sonate lui paraissait quelque chose d'aussi mystérieux que la folie d'une chienne, la folie d'un cheval, qui pourtant s'observent en effet."
"Mme Swann en effet, qui tenait le renseignement de Mme Bontemps, était en train de dire à la princesse que le gouvernement, comprenant enfin sa goujaterie, avait décidé de lui envoyer une invitation pour assister dans les tribunes à la visite que le tsar Nicolas devait faire le surlendemain aux Invalides. Mais la princesse qui, malgré les apparences, malgré le genre de son entourage composé surtout d'artistes et d'hommes de lettres, était restée au fond, et chaque fois qu'elle avait à agir, nièce de Napoléon : « Oui, Madame, je l'ai reçue ce matin et je l'ai renvoyée au ministre qui doit l'avoir à l'heure qu'il est. Je lui ai dit que je n'avais pas besoin d'invitation pour aller aux Invalides. Si le gouvernement désire que j'y aille, ce ne sera pas dans une tribune, mais dans notre caveau, où est le tombeau de l'Empereur. Je n'ai pas besoin de carte pour cela. J'ai mes clefs. J'entre comme je veux. Le gouvernement n'a qu'à me faire savoir s'il désire que je vienne ou non. Mais si j'y vais, ce sera là ou pas du tout. »" "Plongés dans cet élément nouveau, les habitués de Jupien croyaient avoir voyagé, être venus assister à un phénomène naturel, comme un mascaret ou comme une éclipse, et goûtant au lieu d'un plaisir tout préparé et sédentaire celui d'une rencontre fortuite dans l'inconnu, célébraient, aux grondements volcaniques des bombes, comme dans un mauvais lieu pompéien, des rites secrets dans les ténèbres des catacombes." Et pour la fin, vous avez droit plus bas à une vue d'aérostat des lieux de vie parisienne des Guermantes, tels qu'ils ont été parcourus en voiture hippomobile dans ce passage : "Mme de Guermantes s'avança décidément vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. « Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure », et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s'écria d'une voix terrible : « Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges. »
– Mais, mon ami, répondit doucement la duchesse, gênée de voir que Swann, qui sortait avec moi mais avait voulu laisser passer la voiture devant nous, avait entendu... puisque nous sommes en retard...
– Mais non, nous avons tout le temps. Il n'est que moins dix, nous ne mettrons pas dix minutes pour aller au parc Monceau. Et puis enfin, qu'est-ce que vous voulez, il serait huit heures et demie, ils patienteront, vous ne pouvez pourtant pas aller avec une robe rouge et des souliers noirs. D'ailleurs nous ne serons pas les derniers, allez, il y a les Sassenage, vous savez qu'ils n'arrivent jamais avant neuf heures moins vingt. La duchesse remonta dans sa chambre. « Hein, nous dit M. de Guermantes, les pauvres maris, on se moque bien d'eux, mais ils ont du bon tout de même. Sans moi, Oriane allait dîner en souliers noirs. » "
Dernière édition: il y a 6 ans 1 mois par Jean-Christophe Antoine. Raison: Problème technique de téléchargement à la première édition, sur Balzac.
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