Page 19 - Brochure Thomas Alexander Harrison
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Marcel Proust
et le rôle de Thomas Alexander Harrison
par David Cleveland
Historien de l’art et romancier
traduit de l’anglais par Élyane Dezon-Jones
Le rapport entre Proust et le mouvement tonaliste, loin d’être pur acci-
dent ou cas d’influence de zeitgeist commun, est à la fois formateur et
essentiel pour l’art littéraire de Proust. Personnage central dans À la
recherche du temps perdu, le peintre Elstir a pour base Alexander Harrison,
peintre américain tonaliste expatrié en France. Bien qu’Elstir soit géné-
ralement considéré par les spécialistes de la question comme un portrait
composite de peintres connus de Proust — Whistler en étant le plus
influent — le personnage et les circonstances dans lesquelles le narrateur
rencontre l’artiste pour la première fois dans le roman correspondent à
l’identité d’Harrison. En 1895, Proust et son ami Reynaldo Hahn firent
sa connaissance dans le petit village côtier de Beg Meil, où Harrison avait
un studio d’été. Ils furent enchantés quand le célèbre artiste accepta leur
invitation à dîner. William Carter, biographe de Proust, écrit : « Hahn se
souvint d’avoir vu une de ses œuvres, Blue Lake, au Palais du Luxembourg
à Paris, qui faisait alors office de musée d’art important. » Harrison
louait un studio délabré fait de planches en bois non peint, à côté
d’une ferme. Fanatique de la beauté des couchers de soleil à Beg Meil,
Harrison se précipitait tous les soirs sur la dune, pour regarder le soleil
disparaître dans la mer. Bientôt il fut rejoint par Proust et Hahn, faisant
en fin d’après midis la course aux couchers de soleil [...]. De tous les
endroits qu’ils visitèrent sur la côte, ce fut Penmarch que Proust préféra
à tout, « sorte de mélange de la Hollande et des Indes et de la Floride
( Harrisson [sic] dixit ) d’où une tempête est la plus sublime des choses
page ci-contre : Thomas Alexander Harrison, 1914.