Page 20 - Brochure Thomas Alexander Harrison
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          qui se puisse voir. » Il aimait Penmarch mieux que tout, sans doute parce
          qu’il le voyait comme métaphorique par nature, incarnant non point un
          seul mais plusieurs lieux. Proust a toujours choisi le complexe plutôt que
          le simple, voyant plusieurs choses en une, ce qui le conduisit à rechercher
          l’harmonie qui les unit. Les visions d’éléments terrestres et marins dans
          de si beaux paysages approfondirent ses impressions et, plus tard, inspi-
          rèrent les marines que l’on trouve dans son roman ainsi que dans le « Port
          de Carquethuit » peint par Elstir.

          Proust et Hahn rendirent visite à Harrison dans son studio parisien en
          1897 et, en 1908, Proust écrira qu’il fut un « guide stimulant ». Les expé-
          riences de jeunesse que fit Proust à Beg Meil avec Harrison servirent de
          sources aux impressions de souvenirs de jeunesse qui suralimentèrent sa
          sensibilité au paysage et influencèrent plus tard le développement d’un
          style en prose plus poétique pour accommoder sa réponse intensifiée aux
          paysages qui, lorsque ils sont appréhendés à travers le voile du souvenir,
          s’inscrivent comme des épiphanies visuelles  débordant de mystérieux
          symboles et de saisissantes métaphores. Des épiphanies spirituelles de
          ce type étaient apparues dans son premier roman, Du côté de chez Swann,
          quand le jeune narrateur demeure transfixé par la vue des nymphéas de
          la Vivonne, l’odeur des aubépines en fleurs et les clochers de  Martinville,
          agissant comme des  leitmotifs  récurrents de la mémoire, présences
          envoûtantes et indéchiffrables : « un toit, un reflet de soleil sur une pierre,
          l’odeur d’un chemin me faisaient arrêter par un plaisir particulier qu’ils
          me donnaient, et aussi parce qu’ils avaient l’air de cacher, au-delà de ce
          que je voyais, quelque chose qu’ils m’invitaient à venir prendre et que
          malgré mes efforts je n’arrivais pas à découvrir. »

          C’est dans le deuxième volume, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, que le
          narrateur ( Proust avait 24 ans en 1895 ) rencontre pour la première fois
          le peintre Elstir (Harrison) à Rivebelle, nom fictif d’un lieu situé près de
          la station balnéaire de Balbec (Cabourg ). Au cours des sept volumes du
          long roman de Proust, Elstir est le personnage le plus développé, le plus
          sympathique et le mentor du narrateur dans l’art de « voir ». Dès 1890,
          Proust avait eu connaissance des œuvres de Whistler et, en 1897, il le
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