Page 28 - Brochure Thomas Alexander Harrison
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          Plus pertinemment encore, Elstir/Harrison imprègne le narrateur d’un
          amour de la métaphore poétique qui est au cœur même du style tonaliste :
          « Je restais maintenant volontiers à table pendant qu’on desservait, et si
          ce n’était pas un moment où les jeunes filles de la petite bande pouvaient
          passer, ce n’était plus uniquement du côté de la mer que je regardais.
          Depuis que  j’en avais vu dans  des  aquarelles d’Elstir, je cherchais à
          retrouver dans la réalité, j’aimais comme quelque chose de poétique, le
          geste interrompu des couteaux encore de travers, la rondeur bombée
          d’une serviette défaite où le soleil intercale un morceau de velours jaune,
          le verre à demi vidé qui montre mieux ainsi le noble évasement de ses
          formes, et au fond de son vitrage translucide et pareil à une conden-
          sation du jour, un reste de vin sombre, mais scintillant de lumières, le
          déplacement des volumes, la transmutation des liquides par l’éclairage,
          l’altération des prunes qui passent du vert au bleu et du bleu à l’or dans
          le compotier déjà à demi dépouillé… »

          L’attraction hypnotique  qu’exerce  sur Proust  la  lumière translucide,
          reflétée sur l’eau qui la réfracte, semble presque certainement inspirée par
          les marines d’Harrison. Plus frappante encore, en termes de style tona-





























                         Beach Tides, Thomas Alexander Harrison, 1895
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