Dans son édition du 19 avril, le Journal du Dimanche a publié ce pastiche de Proust, écrit par Marc Lambron, de l'Académie Française :
C'est ainsi que par les soirs d'été à Combray, alors que je me tenais étendu sur le lit de la chambre que les rayons du soleil avaient paré dans la journée d'un éclat jaunissant semblant nimber encore les objets d'un halo scintillant comme une poussière d'or, j'entendais les pas de maman gravissant l'escalier qui rendait un son étouffé où la matière ligneuse, adoucie par un tapis de sol d'une suavité mauve, craquait légèrement sous son pied familier, rassurant et comme avunculaire, même si c'était manière. Elle venait se poster à mon chevet, la masse de ses cheveux prise dans une résille en dentelle dessinant le profil que l'on voit à Venise aux princesses orientales, rubescentes et ocrées du Carpaccio, avant de saisir sur la table de chevet le recueil familier aux fermoirs vieillis des Contes du pangolin, dont elle reprenait la lecture à la page cornée la veille, qui déjà me paraissait s'éloigner dans la mémoire d'un temps proche et pourtant irrémédiablement révolu. Elle avait conçu pour les aventures de ce petit mammifère à écailles tricuspides un intérêt pareil à celui qu'éveillent les sultanes des Mille et Une Nuits, tant les péripéties de la vie du pangolin, alliant à une douceur de courtisane les apanages guerriers qui me le représentaient caparaçonné tel un éléphant carthaginois armé pour les guerriers d'Hamilcar Barca, infusaient dans mon esprit enfantin une torpeur languissante, éthérée, dormitive et comme létale, qui rendait maman libre de rejoindre au plus vite le salon durez-de-chaussée où Swann venait d'arriver.
Marc Lambron