Page 37 - BRO_Adrien Proust
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Discours d’Adrien Proust,
          lors de la distribution de Prix à l’école supérieure d’Illiers,
          le 27 juillet 1903





                  le privilège de voir la statue de la déesse, prétendait aussi, dit-on, être seul en droit
                  de demander aux dieux la santé des particuliers et de tout l’État. Aujourd’hui,
                  l’hygiène signifie non le culte d’une divinité, mais un ensemble de règles,
                  de préceptes précieux à tous, et accessibles à tous. La connaissance des règles est
                  devenue une des branches les plus indispensables à l’éducation. L’avenir de la patrie
                  en dépend. Les notions d’hygiène sont utiles aux jeunes garçons, non seulement
                  pour la période scolaire, mais pour toute leur existence, et dans quelque situation
                  qu’ils soient placés. Car c’est par l’hygiène qu’ils pourront rendre le plus de services
                  à eux-mêmes, et à leurs concitoyens. Le nombre des maladies évitables s’accroît avec
                  les progrès de la science et de la civilisation et les modes de préservation ne cessent
                  aussi d’augmenter en nombre et en puissance. Le pouvoir n’appartient pas seulement
                  aux peuples instruits, mais aux peuples robustes et aux peuples forts.
                  Il y a certains principes et certaines règles hygiéniques qu’aucun enfant ne doit
                  ignorer : les avantages de la propreté d’abord, les méfaits de l’alcoolisme, les dangers
                  que peuvent présenter les poussières, lorsqu’elles transportent les germes des maladies
                  contagieuses, comme la tuberculose. L’hygiène doit faire partie du programme
                  de l’enseignement primaire surtout à un moment où l’on engage la lutte contre
                  l’alcoolisme et la tuberculose. Les ligues antialcooliques emploient leurs efforts,
                  et ce sont peut-être les meilleures à agir sur l’enseignement à l’école. C’est dans
                  ce moment qu’il faut tâcher de réformer les mœurs et les coutumes. Il ne faut pas
                  se lasser de dire que, sans la tempérance, nul ne peut répondre de soi, parce qu’elle
                  seule assure à l’homme la pleine possession de ses facultés, et que c’est cette pleine
                  possession qui le fait maître de son sort.
                  L’enseignement de l’hygiène à l’école est d’autant plus important que l’éducation
                  et l’hygiène peuvent modifier sur certains points l’hérédité, et lutter contre
                  ses tendances funestes.Sans doute, I’éducation et l’hygiène ne sont pas toutes-
                  puissantes, mais elles peuvent souvent atténuer, enrayer, arrêter les conséquences
                  de l’hérédité. Grâce à l’hygiène, grâce à l’application inspirée par elle des règles
                  pour la vie journalière et l’habitation, revêtu de la blouse ou du sarreau, logé sous
                  le modeste toit, l’artisan est assuré d’une santé meilleure, offre à la mort des chances
                  de résistance plus grandes, trouve dans toutes les circonstances de la vie plus de
                  confort que le grand roi lui-même avec sa perruque et ses hauts-de-chausses qui
                  renfermaient des poussières infectieuses, ou sous ses lambris dorés, qui n’étaient pas
                  garantis d’exhalaisons méphitiques. Si bien que quand on compare les deux époques
                  il ne faut pas se contenter de dire avec Horace :
                           Mors aequo pede pulsat
                                                      12
                           Pauperum tabernas regumque turres  .



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