Page 32 - BrochureRuskin
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dehors des périodes de voyage, et pendant une dizaine d’années,
il lui lit à haute voix trois chapitres de la Bible, qu’elle lui fait
inlassablement reprendre lorsqu’elle juge sa diction ou son
intonation fautives. Margaret réprouve les jouets et les
distractions futiles : le jeune Ruskin en aurait été réduit à étudier
les motifs des tapis et les nodosités du parquet pour se distraire.
À ce dressage méthodique, accompagné des punitions corporelles
d’usage à l’époque, Ruskin attribue non seulement sa
connaissance des livres saints et son sens de la prose, mais aussi
le développement précoce de ses remarquables facultés
d’observation.
Enfant dressé, mais aussi enfant adulé : John James et Margaret
voient très tôt en leur fils un enfant-prodige, futur archevêque
dans l’esprit de sa mère, et nouveau Byron dans celui de son père.
Naturellement, Ruskin ne remplira aucun de ces programmes,
malgré un passage remarqué à l’université d’Oxford, au Christ
Church college, où son peu de goût pour les parties de chasse et
les beuveries lui vaut une réputation d’original, mais où son
exceptionnel talent de dessinateur lui gagne le respect et
l’admiration de ses pairs et de ses professeurs.
En dépit d’une propension à se contredire dont il riait lui-même,
et de changements de perspective radicaux sur le plan politique et
religieux, les traits principaux de la pensée ruskinienne se sont
formés très tôt. À 23 ans, il publie, de façon anonyme, le premier
volume des Peintres modernes, entrepris pour défendre Turner
contre les attaques dont l’artiste est l’objet lorsqu’il s’attache à
restituer les effets de lumière qui font aujourd’hui sa renommée.
L’ouvrage est unanimement salué, et attribué (à sa propre
surprise) à un auteur beaucoup plus expérimenté. Il est vrai que
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