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Ruskin participe également à l’aventure du Working Men’s
College, un établissement pionnier d’éducation des ouvriers et
des artisans, aux visées sociales ambitieuses, en y donnant, le soir,
en compagnie du peintre D. G. Rossetti, des cours de dessin. En
dépit de ses opinions hétérodoxes, il est élu à la chaire de beaux-
arts nouvellement créée à Oxford, la chaire Slade. L’honneur qui
lui est rendu ne le fait pas rentrer dans le rang ; il profite au
contraire de sa position comme d’une tribune pour réaffirmer ce
qui lui semble être les fondements nécessaires et les justes objectifs
de l’art, à l’encontre des dérives mercantiles ou de l’esthétisme. Le
professeur-prophète juge avec sévérité les artistes mondains ou
obsédés par leur propre virtuosité – n’hésitant pas à écorner
Michel-Ange lui-même, au grand dam de ses contemporains.
C’est à la même époque qu’il s’engage dans une publication sans
précédent, une lettre mensuelle destinée « aux ouvriers et aux
artisans de la Grande-Bretagne », sous le mystérieux titre de Fors
clavigera – la Fortune porteuse de clou, ou de clef, pour s’en tenir à
des traductions littérales, mais Ruskin, fidèle à lui-même, en
donne de multiples interprétations qui se superposent sans
s’exclure mutuellement. La publication de ces lettres – qui
représentent environ mille cinq cents pages – se poursuit pendant
une douzaine d’années.
Ses propos deviennent de plus en plus véhéments – la célèbre
affaire Whistler en est une illustration –, y compris dans le cadre
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de ses conférences oxfordiennes. L’évolution de Ruskin a parfois
été attribuée à sa folie. L’explication est aussi facile que fausse : s’il
est vrai que Ruskin est en proie, par intermittences, à la maladie
mentale, ses idées sur la production et la distribution de la richesse
restent parfaitement cohérentes. Ruskin est à ce moment-là dans
19 Voir supra, p. 22, l’évocation de ce procès par Stephen Wildman
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