Page 39 - BrochureRuskin
P. 39

une situation de grand isolement : son histoire d’amour avec la   sens combien c’est peu que la mort en voyant combien vit avec
 jeune Rose La Touche  se  termine  tragiquement, après  moult   force ce mort,  combien  je l’admire,  l’écoute  et cherche à  le
 rebondissements déchirants, et nombre de ses amis se détournent   comprendre et lui obéir plus qu’à bien des vivants ».
 de lui lorsqu’il attaque la religion et la société établies. Il n’est pas
 étonnant  qu’il se soit  alors départi de  sa patience  et de  sa
 gentillesse coutumières.

 Des émules plus ou moins bien intentionnés ou des adversaires
 déclarés ont trop souvent  enfermé Ruskin dans une statue  du
 Commandeur, occultant son  humour  et sa  bienveillance, dont
 témoignent amis et  visiteurs.  La  simplicité et la  modestie  du
 personnage étonnaient souvent ces derniers, qui confondaient la
 plume  du combattant et l’homme  réel.  Figure admirée  et
 controversée, « l’un des hommes les plus couverts d’insultes de
 l’Angleterre, l’un des plus couverts  d’éloges  – sous  toutes les
 formes possibles, de façon critique et passionnée, avec sagesse ou
 avec fanatisme – pour ses mérites et pour ses points faibles », selon
 l’Oxford  University Herald du  5 juin 1880,  Ruskin  est l’une des
 personnalités les plus  brillantes  et les  plus attachantes  de  l’ère
 victorienne.  Lorsqu’il meurt,  le 20 janvier  1900, les  éloges
 hyperboliques pleuvent à Brantwood, la propriété au bord du lac
 de Coniston où il s’était retiré. Sa cousine Joan Severn, qui avait
 veillé sur lui avec dévotion pendant  ses longues  années  de
 vieillesse et  de  maladie  mentale, refuse qu’il  soit enterré à
 Westminster Abbey. Il est inhumé dans le modeste cimetière de
 Coniston  ; son  cercueil  est recouvert  d’un drap  cramoisi –  car
 Ruskin, à l’instar de Monet, avait le noir en horreur – brodé de la   Différents motifs sculptés sur la tombe de John Ruskin à Coniston
 phrase « à  ce dernier  »  sur fond gris orné de roses sauvages.
 20
                    Différents motifs sculptés sur la tombe de John Ruskin à Coniston
 Proust, à l’annonce de sa mort, écrit à Marie Nordlinger : « […] je    ŝĨĨĠƌĞŶƚƐ ŵŽƚŝĨƐ ƐĐƵůƉƚĠƐ ƐƵƌ ůĂ ƚŽŵďĞ ĚĞ :ŽŚŶ ZƵƐŬŝŶ ă  ŽŶŝƐƚŽŶ

 20  Titre d’un de ses ouvrages d’économie politique, Unto this last, issu
 d’un verset de la parabole des Ouvriers de la onzième heure, Matthieu,
 20, 14, qui inspira Gandhi
                                            39
 38                                         39
   34   35   36   37   38   39   40   41   42   43   44