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une situation de grand isolement : son histoire d’amour avec la sens combien c’est peu que la mort en voyant combien vit avec
jeune Rose La Touche se termine tragiquement, après moult force ce mort, combien je l’admire, l’écoute et cherche à le
rebondissements déchirants, et nombre de ses amis se détournent comprendre et lui obéir plus qu’à bien des vivants ».
de lui lorsqu’il attaque la religion et la société établies. Il n’est pas
étonnant qu’il se soit alors départi de sa patience et de sa
gentillesse coutumières.
Des émules plus ou moins bien intentionnés ou des adversaires
déclarés ont trop souvent enfermé Ruskin dans une statue du
Commandeur, occultant son humour et sa bienveillance, dont
témoignent amis et visiteurs. La simplicité et la modestie du
personnage étonnaient souvent ces derniers, qui confondaient la
plume du combattant et l’homme réel. Figure admirée et
controversée, « l’un des hommes les plus couverts d’insultes de
l’Angleterre, l’un des plus couverts d’éloges – sous toutes les
formes possibles, de façon critique et passionnée, avec sagesse ou
avec fanatisme – pour ses mérites et pour ses points faibles », selon
l’Oxford University Herald du 5 juin 1880, Ruskin est l’une des
personnalités les plus brillantes et les plus attachantes de l’ère
victorienne. Lorsqu’il meurt, le 20 janvier 1900, les éloges
hyperboliques pleuvent à Brantwood, la propriété au bord du lac
de Coniston où il s’était retiré. Sa cousine Joan Severn, qui avait
veillé sur lui avec dévotion pendant ses longues années de
vieillesse et de maladie mentale, refuse qu’il soit enterré à
Westminster Abbey. Il est inhumé dans le modeste cimetière de
Coniston ; son cercueil est recouvert d’un drap cramoisi – car
Ruskin, à l’instar de Monet, avait le noir en horreur – brodé de la
phrase « à ce dernier » sur fond gris orné de roses sauvages.
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Différents motifs sculptés sur la tombe de John Ruskin à Coniston
Proust, à l’annonce de sa mort, écrit à Marie Nordlinger : « […] je ŝĨĨĠƌĞŶƚƐ ŵŽƚŝĨƐ ƐĐƵůƉƚĠƐ ƐƵƌ ůĂ ƚŽŵďĞ ĚĞ :ŽŚŶ ZƵƐŬŝŶ ă ŽŶŝƐƚŽŶ
20 Titre d’un de ses ouvrages d’économie politique, Unto this last, issu
d’un verset de la parabole des Ouvriers de la onzième heure, Matthieu,
20, 14, qui inspira Gandhi
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