Page 33 - BrochureRuskin
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dehors des périodes de voyage, et pendant une dizaine d’années,
 il lui lit à haute voix  trois chapitres de la Bible, qu’elle lui fait
 inlassablement reprendre lorsqu’elle  juge  sa diction  ou son
 intonation  fautives. Margaret  réprouve  les  jouets et les
 distractions futiles : le jeune Ruskin en aurait été réduit à étudier
 les motifs des tapis et les nodosités du parquet pour se distraire.
 À ce dressage méthodique, accompagné des punitions corporelles
 d’usage à l’époque, Ruskin attribue  non seulement sa
 connaissance des livres saints et son sens de la prose, mais aussi
 le développement précoce de ses remarquables facultés
 d’observation.

 Enfant dressé, mais aussi enfant adulé : John James et Margaret
 voient  très tôt  en leur fils un  enfant-prodige,  futur  archevêque
 dans l’esprit de sa mère, et nouveau Byron dans celui de son père.
 Naturellement, Ruskin  ne  remplira  aucun de ces  programmes,
 malgré un passage remarqué à l’université d’Oxford, au Christ
 Church college, où son peu de goût pour les parties de chasse et
 les beuveries  lui vaut  une  réputation d’original, mais où son
 exceptionnel talent de dessinateur lui  gagne le  respect  et
 l’admiration de ses pairs et de ses professeurs.

 En dépit d’une propension à se contredire dont il riait lui-même,
 et de changements de perspective radicaux sur le plan politique et
 religieux, les traits principaux de la pensée ruskinienne se sont
 formés très tôt. À 23 ans, il publie, de façon anonyme, le premier
 volume des  Peintres modernes,  entrepris pour défendre Turner
 contre les  attaques  dont l’artiste  est l’objet lorsqu’il  s’attache  à
 restituer les effets de lumière qui font aujourd’hui sa renommée.
 L’ouvrage est unanimement salué, et  attribué  (à sa propre
 surprise) à un auteur beaucoup plus expérimenté. Il est vrai que



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